Comme Jean Baptiste voyait Jésus venir vers lui, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ; c’est de lui que j’ai dit : Derrière moi vient un homme qui a sa place devant moi, car avant moi il était. Je ne le connaissais pas ; mais, si je suis venu baptiser dans l’eau, c’est pour qu’il soit manifesté au peuple d’Israël. »
Alors Jean rendit ce témoignage : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui. Je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : ‘L’homme sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est celui-là qui baptise dans l’Esprit Saint.’ Oui, j’ai vu, et je rends ce témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. »
Jean 1, 29-34
Quelques lignes qui sont d’une richesse théologique telle que je ne me risquerai qu’à un petit commentaire sur le verset que j’ai mis en titre :
“Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde.”
D’où vient que Jésus, de nos jours, soit tellement ignoré, méprisé, moqué voire persécuté dans certaines civilisations ?
On le reconnaît volontiers comme un maître de sagesse intéressant, voire un prophète quand on a une certaine foi. Mais bien souvent cela s’arrête là. Le reconnaître comme “l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde”, c’est déjà franchir un grand pas dans la foi chrétienne, ce que nombre de nos contemporains n’osent plus faire, ou n’ont pas envie de faire.
Et n’est-ce pas justement car la notion de péché s’est complètement délitée dans notre civilisation?
Quand parle-t-on de péché ?
La plupart du temps, pour s’en moquer.
On en fait des titres d’émission de télévision “Les sept péchés capitaux”.
On en rit quand on a posé des choix de vie que l’on sent contraires aux enseignements de l’Eglise : “Je vis dans le péché.”
On en fait un argument de poids contre la foi chrétienne : “Qu’on arrête de nous ennuyer avec ces histoires de péché !”
Je me risquerai à deux analyses des causes de ce délitement.
Pour l’une d’entre elles, l’Eglise historique porte une lourde part de responsabilité, dont elle n’est pas encore exempte de nos jours : elle a tellement insisté sur les normes familiales et sexuelles que dans l’esprit de nos contemporains, le péché concerne essentiellement ces deux domaines. Et s’il est un domaine où l’individu entend être libre, c’est bien dans sa vie sexuelle et amoureuse. Je ne dis pas que ce soit une bonne chose. Je constate simplement que les générations actuelles rejettent l’Eglise parce qu’elles la ressentent comme trop intrusive sur ces questions. Il conviendrait de leur rendre leur part dans l’Evangile : pas du tout prédominante.
Et à force de ne voir le péché que là, on ne le voit plus ailleurs. Les bons catholiques qui sont dans une situation proprette par rapport aux recommandations de l’Eglise en matière de famille et de sexualité se sentent presque à l’abri du péché.
Ceux qui sont éloignés de l’Eglise et connaissent très peu les Ecritures ne voient pas le péché là où il est : révolte contre Dieu, refus de vivre selon la Parole du Christ.
On fraude, on lèse son prochain, on cherche à s’enrichir, on médit, on calomnie, on ment, on trompe, on s’enferme dans l’indifférence devant la misère du monde, on consomme de manière effrénée, on se perd dans l’activisme, on s’étourdit dans les loisirs, on envie, on jalouse, on trahit, on détruit l’environnement… la liste est infinie. Qui a le sentiment de pécher en tout cela ?
Et l’on peut passer toute une vie sans se recueillir en soi-même et chercher Dieu, qui n’est pas un Dieu qui s’impose, mais qui se propose et se laisse chercher – et trouver ! – par qui le désire.
Qui trouve le Dieu de Jésus-Christ n’a pas trouvé le Grand Tout dans lequel se noyer de bien-être. Autre illusion contemporaine.
Notre Dieu est un Dieu d’amour et de miséricorde mais aussi d’exigence. Si l’on fait sienne la Parole du Christ, on ne pourra jamais plus vivre comme avant. La chute sera toujours possible, mais au moins aurons-nous la conscience d’avoir chuté, et le désir d’en demander pardon à Dieu. Et ce pardon nous sera accordé par le sang du Christ versé pour nos péchés. Renaissance.
A chaque fête liturgique, je constate avec étonnement et tristesse que l’église est presque vide le soir des célébrations du pardon – l’absolution est individuelle chez nous, après confession – et bien plus pleine au jour de la fête, et presque tout le monde communie…
Sommes-nous donc une génération sans péché ?
Honnêtement, j’en doute…
Image : Le baptême du Christ Giotto
2 commentaires
Bonsoir Véronique,
Quelques ordres de grandeur pour appréhender et relativiser votre perception biblique.
Taille estimée de l’univers : une spère de 90 milliards d’années lumière de diamètre.
Nombre de Galaxies dans l’unvivers : une centaine de milliards.
Nombre d’étoiles dans une Galaxie moyenne : une centaine de milliards. (La nôtre en compte environ autant).
Age estimé de l’univers : 13.7 milliards d’années.
Age estimé de notre étoile (le Soleil) et de la Terre : 4.7 milliards d’années.
Apparition des hominidés : 10 millions d’années.
Apparition de homo sapiens : 1 million d’années.
Première manifestation de Dieu : 6000 ans.
Arrivée de Jésus : 2000 ans. (Donc Dieu s’est manifesté tardivement depuis qu’il a tout créé).
Nombre de morts issus du judaisme, christianisme et islam : 200 millions depuis l’apparition du Christ.
(le christianisme se taillant toutefois la part du lion dans ce constat avec 97% à son palmarès).
Sans parler des quelques pervers qui officient toujours au sein de l’Église (voir affaires récentes révélées),
et qui ont été couverts par leur hiérarchie pourtant informée de leurs forfaits (Cas Barbarin par exemple).
Alors, question “péché” comme vous l’évoquez, ne pensez vous pas qu’il est malvenu de culpabiliser vos semblables ?
Les péchés dont vous parlez sont vraiment de la roupie de sansonnet face aux atrocités commises au nom de Dieu.
Si les jeunes désertent les Églises, c’est aussi parce qu’ils ont le recul que leurs parents et grands parents n’avaient pas forcément.
Celà dit, je crois quand même à la spiritualité, mais pas sous la forme inculquée par l’Église.
Et il n’est pas nécessaire d’aller à la messe tous les dimanches pour faire le bien autour de soi.
Bien à vous.
Bonjour Marc,
Tout ce que vous écrivez au sujet de l’univers, je ne suis pas une bécassine qui l’ignore. Ma foi en est d’autant plus ardente.
D’autre part, votre dernière phrase a peu de portée si vous vous montrez incapable de prouver qu’allant à la messe tous les dimanches, je fais le mal autour de moi. Il est facile de dire ce que vous dites. Beaucoup plus difficile d’affirmer que le chrétien sincère qui rend un culte à son Dieu une fois par semaine et prend en compte les prédications qu’il entend ne soit pas amené peu à peu à convertir sa vie en la conformant à la Parole du Christ.
Or, les péchés que j’évoquais plus haut – il y a cinq ans, je le précise quand même – ne sont pas du tout “de la roupie de sansonnet” comme vous dites. Ce n’est pas parce qu’ils sont très répandus dans la société qu’ils sont anodins et sans conséquences. Si le monde tourne si mal, c’est que justement chacun, dans son égoïsme et son absence de conscience du tort fait à autrui, les commet sans cesse.
Et finalement, Marc, vous me rendez service : ce billet, oui, je l’ai écrit il y a cinq ans – avant que ne soit élu le Pape François. Et ce sont bien ces péchés-là, qu’il qualifie souvent de “corruption” qu’il dénonce sans cesse. J’avais donc une petite longueur d’avance sur le discours officiel de l’Eglise. Et raison.