Le peuple était en attente. Il attendait un messie. Non pas “dans un fauteuil”, mais en cherchant parmi les hommes de Dieu une parole, un signe, une présence.
Le portrait du libérateur avait été esquissé bien des fois au cours de l’histoire d’Israël. Tous les portraits cependant n’étaient pas parfaitement ressemblants. Dans la riche collection passée, il fallait pouvoir choisir et discerner. Et chacun sait que l’on cherche, même inconsciemment, ce que l’on espère, au risque de ne retenir que ce qui nous convient… Les spécialistes n’étaient même pas d’accord… En période d’occupation et de tensions diverses, on mêle aisément les espoirs de la chair et les espérances de l’esprit, les rêves politiques et les réformes du cœur, les ambitions terrestres et l’idéal du royaume éternel.
Les experts et les puissants, les plus compétents et les mieux informés, mais aussi les plus attachés à leurs certitudes et privilèges, n’avaient guère apprécié la révélation faite, par les mages, d’un roi naissant dans la discrétion. Ne se présentait-il pas comme concurrence déloyale et danger pour l’ordre établi ?
Les gens simples avaient sans doute moins d’obstacles à franchir, moins d’a priori à combattre, plus à gagner et moins à perdre. Le non-conformisme de Jean Baptiste, ses références au Livre Saint, ses appels à la conversion très concrète, devenaient pour la foule troublantes prophéties, séduction et Bonne Nouvelle… La foule est prête à écouter le baptiseur et même à le suivre… Mais Jean Baptiste désigne le Messie, Lui baptisera dans l’eau et le feu. Le libérateur tant attendu est là, proche, accessible. Un homme perdu dans la masse, discret jusqu’à l’incognito, solidaire du peuple dont il épouse la démarche et les rites.
Mais dans l’Evangile, véritable langage codé, truffé d’allusions à la mémoire du peuple d’Israël, les symboles tiennent une place prépondérante. Les cieux qui s’ouvrent expriment chez Isaïe l’intervention de Dieu, qui promet une nouvelle intimité entre lui et les êtres humains. L’Esprit qui descend comme une colombe se retrouve déjà dans la Genèse quand l’Esprit de Dieu planait sur les eaux. Et c’est une colombe que Noé libère après le déluge pour s’assurer que la terre est sèche et que Dieu a refait un monde nouveau. Il en est de même pour la voix, la parole, voix de Dieu lors de la première création, parole de Dieu qui crée Adam, parole de Dieu qui présente en Jésus une création nouvelle : “C’est toi mon Fils : moi, aujourd’hui, je t’ai engendré”. Le baptême de Jésus apparaît donc comme une investiture. Il est proclamé et reconnu Fils.
Le baptême des chrétiens n’est pas autre chose. Il n’est pas simple rite, mais une invitation au dialogue avec ce Dieu qui nous aime. Il est signe d’une alliance d’amour, la réponse à une invitation. Une vocation. Il est également une mission, celle de créer un monde de justice, de beauté et d’amour.
Ainsi, baptême et foi vont ensemble. Le baptême est comme la conséquence de la foi et il s’accomplit dans la foi. “Qu’est-ce qui empêche que je reçoive le baptême ?”, disait l’Ethiopien païen au diacre Philippe, qui lui répondit : “Si tu crois de tout ton cœur, cela peut se faire”. Autrement dit encore, le sacrement constitue le sceau de la foi, il ne saurait la remplacer.
On a souvent baptisé de manière inconsidérée et même à tour de bras. Au point que, par la suite, il a fallu transformer ces baptisés en chrétiens. On avait souvent oublié en effet que l’évangélisation, c’est-à-dire l’annonce et la présentation de la Bonne Nouvelle à la liberté de l’être humain ont priorité absolue sur le sacrement, car c’est seulement lorsque la prédication de Jésus Christ rencontre la foi de la personne qu’il peut y avoir baptême. Comme le déclarait, par exemple, Paul aux Corinthiens : “Le Christ ne m’a pas envoyé baptiser, mais prêcher l’Evangile”.
Reste que l’humble signe du baptême est celui du passage d’une vie à une autre, à la rencontre de quelqu’un que l’on apprend à connaître et à suivre par une conversion du cœur. Il nous fait entrer dans une vie nouvelle par un engagement à suivre celui qui est Parole, Vérité, Chemin et Vie. Il est accueil d’un esprit de renouveau, l’entrée dans la famille de ceux qui ont rencontré le Seigneur et en vivent. Il est geste d’un jour et permanente conversion, engagement personnel et manière de vivre ensemble.
Il nous fait devenir fils et filles du Père, en nous laissant pénétrer par son esprit et en acceptant de rayonner l’amour dans toute notre vie.
Il nous faut redécouvrir le sens réel de ce premier sacrement de l’initiation chrétienne, sa dynamique de “passage”, ses exigences de continuelle transformation.
Chaque eucharistie prolonge et renouvelle notre première rencontre avec le Messie. Elle nous interpelle aussi : Qu’avons-nous fait de notre baptême ? Qu’avons-nous fait de cette alliance avec notre Dieu ?
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008
Références bibliques : Is 40, 1-5, 9-11 ; Tt 2, 11-14 ; 3, 4-7 ; Lc 3, 15-16, 21-22
1 commentaire
Tu as le don, Véronique, de trouver de belles homélies ! Celle-ci nous donne matière à une profonde méditation. De plus, elle est très bien écrite, ce qui n’ est pas à dédaigner.
“…. l’humble signe du baptême est celui du passage d’une vie à une autre, à la rencontre de quelqu’un que l’on apprend à connaître et à suivre par une conversion du cœur.
Il nous fait entrer dans une vie nouvelle par un engagement à suivre celui qui est Parole, Vérité, Chemin et Vie.
Il est accueil d’un esprit de renouveau, l’entrée dans la famille de ceux qui ont rencontré le Seigneur et en vivent.
Il est geste d’un jour et permanente conversion, engagement personnel et manière de vivre ensemble.
Il nous fait devenir fils et filles du Père, en nous laissant pénétrer par son esprit et en acceptant de rayonner l’amour dans toute notre vie.
Il nous faut redécouvrir le sens réel de ce premier sacrement de l’initiation chrétienne, sa dynamique de « passage », ses exigences de continuelle transformation.
Chaque eucharistie prolonge et renouvelle notre première rencontre avec le Messie. Elle nous interpelle aussi : Qu’avons-nous fait de notre baptême ? Qu’avons-nous fait de cette alliance avec notre Dieu ?