Voilà bien un enseignement fondamental de Jésus. Avant lui, dans l’Ancien Testament, on a souvent exalté les justes, mais la marque de Dieu sur eux était en général accompagnée d’une bénédiction dès cette vie soit en longévité, soit en richesse, soit en royauté. Les plus aimés du Seigneur, tels David ou Salomon, avaient même tout à la fois.
Et puis arrive Jésus, et il bouleverse toute cette échelle de valeurs. Il naît d’une humble jeune fille de Nazareth (“De Nazareth, que peut-il sortir de bon ?” Jean 1, 46) qui manque d’être répudiée par son fiancé quand elle lui annonce sa grossesse divine. Il naît dans une étable “parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie.” (Luc 2,7). Ce sont les bergers, humbles parmi les humbles, qui le voient les premiers.
Il grandit dans l’effacement jusqu’à l’âge de quitter Nazareth pour se lancer dans son oeuvre de prédication et de guérison des malades. Il marquera toujours une préférence pour les petits, pour les parias de la société, ceux que même les Juifs observants ne voulaient pas approcher, malgré la constance de la parole de Dieu, à travers les Prophètes et la Loi, à les prendre en considération eux les premiers.
Jésus ne choisit pas ses disciples parmi les notables. Non, des pêcheurs, des collecteurs d’impôts qui se repentent, d’humbles travailleurs manuels de son temps. Et on s’indigne souvent qu’il se laisse approcher par des femmes considérées comme impures pour une raison ou pour une autre.
Il a toujours fui les honneurs. Veut-on le faire roi pour toutes les oeuvres belles qu’il a réalisées dans une ville, il s’enfuit discrètement pour aller porter la bonne nouvelle ailleurs, et continue sa pérégrination sans avoir “une pierre où reposer la tête.» (Mt 8, 20)
On sait comment l’histoire finit. Sur le bois de la croix. Dans le quartier des criminels. Exposé aux regards narquois d’une foule avide de sang. Les dignitaires religieux de son temps poussent un soupir de soulagement. Vraiment, celui-là les dérangeait trop dans leurs prérogatives.
Beaucoup, aujourd’hui encore, croient que l’histoire s’est arrêtée là.
C’est mal connaître le Père.
“Lui qui est de condition divine n’a pas considéré comme une proie à saisir d’être l’égal de Dieu. Mais il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et, reconnu à son aspect comme un homme, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix. C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse, dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que le Seigneur, c’est Jésus Christ, à la gloire de Dieu le Père.”
(Epître de saint Paul aux Philippiens, 2, 6-11)
Tout ce que Jésus n’a pas eu en gloire sur la terre des hommes, Dieu le lui a donné en Gloire éternelle par sa résurrection.
Pourrions-nous nous sentir proches d’un Fils de Dieu qui serait né dans le luxe, aurait grandi tel un prince, aurait été écouté avec un respect inconditionnel pendant sa prédication ? Aurions-nous un sentiment plus fort que celui de l’admiration – celui de la compassion – pour un messie qui aurait été installé sur le trône d’Israël et aurait régné en roi incontesté pendant le temps d’une vie d’homme ? Pourrions-nous confier nos souffrances à un Fils de Dieu qui ne l’aurait jamais ressentie dans sa chair ?
Beaucoup de chercheurs de Dieu ne comprennent pas, depuis 2000 ans, que l’on puisse s’attacher à un messie crucifié. N’est-ce pas simplement que notre propre orgueil en est blessé? Nous voulons bien avoir un Seigneur, mais alors, qu’au moins il soit auréolé de gloire dès sa vie sur cette terre !
Les lectures de vendredi dernier nous le disaient : “Et pourtant vous dites : “La conduite du Seigneur est étrange.” Ecoutez donc, fils d’Israël, est-ce ma conduite qui est étrange ? N’est-ce pas plutôt la vôtre ?” (Ezéchiel 18,25)
Oui, c’est notre conduite qui est étrange quand nous refusons de comprendre que Dieu élève qui s’est abaissé. Parce que notre vue est courte. Parce que nous raisonnons à vue humaine et non à vue d’éternité. Parce que nous nous attachons à la vaine gloire de ce monde et non à la béatitude éternelle du Royaume, là où tous les saints de l’humilité nous attendent, espérant de nous que nous trouvions la voie de la porte étroite, cette porte étroite de l’humilité, de l’abaissement, du refus des honneurs.
Je n’arrive pas à me recueillir en prière devant une statue du Christ rayonnant de Gloire. D’abord, je le trouve toujours beaucoup moins beau que je ne me l’imagine. Et le Christ qui vit dans mon coeur de chair, ce n’est pas celui-là. C’est celui que les hommes de son temps ont rejeté. C’est quand je jette les yeux sur un crucifix que je reconnais mon Seigneur et que la prière coule en mon coeur comme d’une source intarissable. Oui, toi, Jésus crucifié, tu as tout vu et tu peux tout comprendre de mes immolations…
Source image :
Copyright (c) 123RF Stock Photos
2 commentaires
merci pour vos témoignages
Je suis heureuse de vous lire car je n’ai pas l’occasion de parler de tout cela sans me
faire ridiculiser, alors je n’en parle pas.
Etre seule avec le seigneur c’est trés difficile, on a besoin d’être dans la vie.
La vie que nous vivons est cependant trop loin de la vie religieuse.
Un minimum de reconnaissance est nécessaire pour avancer chaque jour.
Pouvoir prier avec ses proches serait bien, mais je me contented’un moment ensemble
où chacun ne pense qu’à soi.
J’ai cependant des joies intérieures et j’en remercie le seigneur.
merci pour cet instant de partage avec vous.
Chére véronique, comme je te l’ai déjà écrit, maurice zundel si tu ne l’as déjà parcouru me semble une lecture adéquate.
On peut, avec sainte thérése de l’enfant jésus voir en toute manifestation de souffrance, qui nous touche, qui fait partie de nous, une forme d’élévation spirituelle.
Pour ma part, Christ est amour et rédemption, souffrance traversée crée Vie, mais vouloir absolument la souffrance est à mon avis une mauvaise compréhension du message.
Humilité, certes, mais écoute du son, du rayonnement ou non du coeur des autres est idéalement le chemin du salut, encore que au jour le jour, il semble difficile à appliquer.
Je pense que la maladie psychique est une maniére de s’abaisser, jusqu’à ne porter en soi que le sarment de la douceur, au point de n’avoir comme rapport humain que ce rapport fragilisé à l’autre, ne pouvoir s’ouvrir comme le peuvent et le font si bien les gens en dehors de cet état passionel, sans troubles psychiques manifestes.
A bientôt.