Par les moines de la Pierre-qui-Vire, publiée par la revue Panorama le 11 mars 2001 (Année C)
Lectures du jour : Genèse 15, 5-18, Psaume 26, Philippiens 3, 17-4, Luc 9, 28-36
La Transfiguration
Le carême est le temps où l’on reprend sa vie en main, où l’on renouvelle en somme l’alliance que Dieu a conclue jadis avec Abraham, le père des croyants et, par lui, avec nous tous, les baptisés. Si ce texte du livre de la Genèse est volontairement dramatique, ce n’est pas pour nous faire peur, c’est pour nous rappeler le sérieux de notre engagement baptismal. C’est une affaire d’amour, et l’amour vrai ignore l’anecdotique. Ce n’est pas distraitement, ou en pensant à autre chose, ou pour rire que Dieu nous a aimés. Abraham prend des animaux, les coupe en deux, place les morceaux l’un en face de l’autre. Le rite de l’alliance est clair : “Que je sois, moi aussi, comme ces animaux, coupé en deux si je suis trouvé infidèle.” Dieu, alors, ratifie : “Oui, si tu es infidèle, si tu ne gardes pas mon alliance, tu seras coupé en deux ; c’est-à-dire tu seras divisé en toi-même avec toutes les conséquences qui en découleront fatalement. C’est la vie, en toi, qui s’en ira en morceaux peu à peu. Tu auras beau te croire vivant, un germe de mort s’installera chez toi, en toi, et il fera inexorablement son oeuvre.”
Nous avons le désir de prendre au sérieux l’alliance conclue avec Dieu dans le Christ, d’être vraiment “citoyens des cieux” comme le dit Paul dans la seconde lecture de ce dimanche, et non de ceux dont le but de la vie est en bas. Mais nous connaissons aussi, d’expérience personnelle, la propension de la nature humaine aux pentes faciles… C’est alors que Jésus intervient. Il vient nous prendre, et il nous emmène, avec Pierre, Jacques et Jean, sur la montagne de la Transfiguration. Le carême, c’est le temps où l’on reprend sa vie spirituelle en main.
Image : La transfiguration du Christ Duccio di Buoninsegna 1308
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SERMON DE SAINT LÉON LE GRAND POUR LE 2° DIMANCHE DE CARÊME
La Transfiguration.
Le Seigneur découvre sa gloire devant les témoins qu’il a choisis, et il éclaire d’une telle splendeur cette forme corporelle qu’il a en commun avec les autres hommes que son visage a l’éclat du soleil et que ses vêtements sont aussi blancs que la neige.
Par cette transfiguration il voulait avant tout prémunir ses disciples contre le scandale de la croix et, en leur révélant toute la grandeur de sa dignité cachée, empêcher que les abaissements de sa passion volontaire ne bouleversent leur foi.
Mais il ne prévoyait pas moins de fonder l’espérance de l’Église, en faisant découvrir à tout le corps du Christ quelle transformation lui serait accordée ; ses membres se promettraient de partager l’honneur qui avait resplendi dans leur chef.
Le Seigneur lui-même avait déclaré à ce sujet, lorsqu’il parlait de la majesté de son avènement : Alors les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père . Et l’Apôtre saint Paul atteste lui aussi : J’estime qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que le Seigneur va bientôt révéler en nous . Et encore : Vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Quand paraîtra le Christ qui est votre vie, alors, vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire . Cependant, pour confirmer les Apôtres et les introduire dans une complète connaissance, un autre enseignement s’est ajouté à ce miracle.
En effet, Moïse et Élie, c’est-à-dire la Loi et les Prophètes, apparurent en train de s’entretenir avec le Seigneur. Ainsi, par la réunion de ces cinq hommes s’accomplirait de façon certaine la prescription : Toute parole est garantie par la présence de deux ou trois témoins.
Qu’y a-t-il donc de mieux établi, de plus solide que cette parole ?
La trompette de l’Ancien Testament et celle du Nouveau s’accordent à la proclamer ;
et tout ce qui en a témoigné jadis s’accorde avec l’enseignement de l’Évangile.
Les écrits de l’une et l’autre Alliance, en effet, se garantissent mutuellement ; celui que les signes préfiguratifs aient promis sous le voile des mystères, est montré comme manifeste et évident par la splendeur de sa gloire présente. Comme l’a dit saint Jean, en effet : Après la Loi communiquée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ . En lui s’est accomplie la promesse des figures prophétiques comme la valeur des préceptes de la Loi, puisque sa présence enseigne la vérité de la prophétie, et que sa grâce rend praticables les commandements. ~
Que la foi de tous s’affermisse avec la prédication de l’Évangile, et que personne n’ait honte de la croix du Christ, par laquelle le monde a été racheté.
Que personne donc ne craigne de souffrir pour la justice, ni ne mette en doute la récompense promise ; car c’est par le labeur qu’on parvient au repos, par la mort qu’on parvient à la vie. Puisque le Christ a accepté toute la faiblesse de notre pauvreté, si nous persévérons à le confesser et à l’aimer, nous sommes vainqueurs de ce qu’il a vaincu et nous recevons ce qu’il a promis. Qu’il s’agisse de pratiquer les commandements ou de supporter l’adversité, la voix du Père que nous avons entendue tout à l’heure doit retentir sans cesse à nos oreilles :
-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis tout mon amour ; écoutez-le !