Jésus disait à Nicodème :
« Ne sois pas étonné si je t’ai dit qu’il vous faut renaître. Le vent souffle où il veut : tu entends le bruit qu’il fait, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né du souffle de l’Esprit. »
Nicodème reprit : « Comment cela peut-il se faire ? »
Jésus lui répondit : « Toi, tu es chargé d’instruire Israël, et tu ne connais pas ces choses-là ? Amen, amen, je te le dis : nous parlons de ce que nous savons, nous témoignons de ce que nous avons vu, et vous n’acceptez pas notre témoignage. Si vous ne croyez pas lorsque je vous parle des choses de la terre, comment croirez-vous quand je vous parlerai des choses du ciel ? Car nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle. »
Jean 3, 7-15
Dans l’évangile de Jean, j’ai de la tendresse pour le personnage de Nicodème. Il est un pharisien, un notable juif, mais il ose aller vers Jésus. Il viendra même avec un mélange de myrrhe et d’aloès au jour de sa crucifixion ( Jean 19, 39). Nicodème n’est pas sans rappeler les mages qui vinrent rendre hommage au nouveau-né de Bethléem. Un des très rares “sages et intelligents” qui osèrent accepter de recevoir quelque chose de Jésus, une connaissance supérieure à ce qu’ils savaient sur le bout des doigts pour l’avoir appris de leurs maîtres religieux.
Je ne sais pas si on mesure toujours la grande solitude spirituelle du Christ. A ses disciples, il a dû tout apprendre. Jésus ne s’est pas entouré d’érudits mais d’humbles pêcheurs et artisans qui ont accepté de le suivre et de se laisser enseigner par lui. Et dans les trois années de sa prédication, c’est lui qui a annoncé la Parole du Père aux foules, rejeté de partout par ceux qui prétendaient la détenir mieux que lui. Jésus n’a trouvé aucun soutien parmi ceux de la synagogue, au contraire, combien de fois ont-ils voulu le précipiter en bas d’un escarpement (Luc 4, 29) ou saisir des pierres pour le lapider ! Or Jésus n’était pas un Dieu désincarné, il avait un coeur de chair, humain, certainement très sensible. Il a dû souffrir infiniment du rejet de ceux-là mêmes qui auraient dû le comprendre et l’accueillir. Certes, il était dans une intense communion d’amour avec le Père dans sa prière, mais au milieu des hommes ? N’a-t-il pas eu un jour envie d’une connivence spirituelle avec un “père” terrestre qui l’aurait écouté et compris, en ayant les références scripturaires que ses disciples n’avaient pas ?
Infinie solitude du Christ…
Alors oui, j’ai de la tendresse pour ce Nicodème qui vient vers lui dans un esprit de bienveillance, et qui accepte d’apprendre quelque chose de Jésus, en sage qu’il est, et dont on devine qu’il a été bouleversé par son enseignement au geste plein de respect qu’il pose alors que les siens viennent de crucifier le Messie annoncé depuis si longtemps par les Prophètes…
Image : Le Christ et Nicodème Enluminure de la bible Holkham, maître anglais anonyme, 1320-1330