Evangile : Jean 21, 1-19
Voyons comment ce très beau récit qui conclut l’évangile de saint Jean vient nous rejoindre aujourd’hui. Ils avaient donc repris les tâches de leur métier de pêcheur, ces sept disciples. La résurrection doit se vivre dans notre vie ordinaire.
Mais cette vie est souvent marquée par des temps d’obscurité. Comme les apôtres, nous avons l’impression d’être dans la nuit de nos soucis et de nos problèmes. Nous naviguons bien souvent sur une « mer agitée », enveloppée de ténèbres hostiles.
C’est alors qu’il faut tourner notre regard vers celui qui est sur la « terre ferme » dans la clarté de l’aube. Jésus se trouve désormais sur l’autre rive. Il nous attend par-delà cette « traversée » qu’il vient d’accomplir. Il est là, sur la rive de l’éternité. Comme les apôtres, nous ne le reconnaissons pas.
Il y a pourtant une exception. Un des sept disciples, Jean l’intuitif et le contemplatif, a reconnu Jésus dans l’inconnu au bord du lac. Parce qu’il est « le disciple que Jésus aimait » et qu’il est le disciple qui aime Jésus. Reconnaître quelqu’un, c’est d’abord une affaire d’amour. Si tu cherches Jésus avec amour, il te rejoindra dans la délicatesse d’une rencontre cœur à cœur. Mais es-tu amoureux de Jésus ? Désires-tu le Seigneur-Amour aussi sauvagement que le plongeur désire aspirer de l’air quand il remonte du fond de l’eau ? Pour devenir un vrai chrétien, pour déployer toutes les richesses de son baptême, il faut aimer d’un désir profond le Ressuscité qui nous attend.
La prière est le premier signe que nous voulons vraiment rencontrer le Christ. La preuve qu’on aime quelqu’un, c’est qu’on est prêt à prendre du temps pour lui. Prier, c’est donner du temps pour nous laisser aimer par Dieu et le lui rendre un peu.
Quand ils débarquent, les disciples trouvent un repas tout préparé. Aujourd’hui toujours, la fraction et le partage du pain sont pour les chrétiens le signe privilégié de la présence du Ressuscité. Oui, Jésus est bien sur une autre rive, où il nous attend, pour nous partager une vie nouvelle dans la fraction du pain. Il faut beaucoup aimer pour le rencontrer dans l’intimité de l’eucharistie.
Mais aimer en vérité signifie aussi oser agir. Après l’intuition amoureuse du contemplatif, Jean, il y a l’engagement de l’homme d’action, Pierre. C’est lui qui amène jusqu’à terre le filet rempli de 153 poissons. Vivre la rencontre de Jésus dans la prière et dans l’eucharistie nous donne la force de le rencontrer dans l’amitié offerte, la solidarité et le service fraternels.
Et c’est à ce Pierre, si impétueux et si fragile, que Jésus confie ses propres pouvoirs. Il change ce marin pêcheur en berger. Maintenant qu’il n’est plus présent « en chair et en os », il confie à Pierre ses agneaux. Mais, extraordinaire délicatesse de Jésus, il ne parle pas à Pierre de sa lâcheté. Il lui demande seulement une triple déclaration d’amour. « M’aimes-tu ? »
Cette même question, Jésus te la pose à toi, aujourd’hui. La foi, c’est croire à cet amour que Jésus te porte et s’appuyer sur lui. Parfois, on commet des erreurs, on glisse sur le chemin trop rude, mais à tout moment la main de Jésus est là, tendue, pour nous ressaisir.
« M’aimes-tu ? » M’aimes-tu encore, m’aimes-tu assez ? Mais si tu m’aimes oublie tes infidélités comme je les oublie. Puis viens et « suis-moi ».
Charles-André Sohier, prêtre ermite
Source : http://www.kerit.be/homelie.php