À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : « Ne soyez donc pas bouleversés : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure ; sinon, est-ce que je vous aurais dit : Je pars vous préparer une place ? Quand je serai allé vous la préparer, je reviendrai vous prendre avec moi ; et là où je suis, vous y serez aussi. Pour aller où je m’en vais, vous savez le chemin. »
Thomas lui dit : « Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas ; comment pourrions-nous savoir le chemin ? »
Jésus lui répond : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. »
Jean 14, 1-6
Je me dis souvent que nous vivons à une curieuse époque. Dans notre vieille Europe, christianisée dès les premiers siècles de l’Eglise et souvent par le sang des martyrs, cette Europe qui a donné au Seigneur tant de moines et de religieuses qui ont profondément influencé le cours de notre histoire, tant de prêtres qui n’ont pas cessé de perpétuer le sacrifice eucharistique dans les périodes de piété comme dans l’adversité, tant de missionnaires qui sont allés porter l’Evangile aux quatre coins du monde, on se comporte aujourd’hui comme si le Christ et sa Parole étaient une option négligeable, une religion qui ne doit pas trop se montrer, et parfois tout au plus une sagesse à mettre au même niveau que les autres, quand on ne la travestit pas en tradition avilissant la liberté humaine.
Etre chrétien n’a pas bonne presse. Il est de bon ton de considérer le chrétien comme un rétrograde, un naïf, voire un névrosé.
Et cependant, au moment de la mort, les familles se retrouvent acculées au désir de célébrer des funérailles. Ils ne sont pas si nombreux, ceux qui suivent jusqu’au bout leur logique athée, et célèbrent des funérailles civiles. Bien plus nombreux sont ceux qui se souviennent soudain que la personne décédée était baptisée, qui ressentent, comme dans les temps immémoriaux, le besoin d’accomplir des rituels pour marquer la séparation d’avec le défunt, et qui cherchent alors le numéro de téléphone d’un presbytère, mécontents quand ils ne trouvent pas immédiatement un prêtre disponible pour célébrer les funérailles. Devant la mort, nous perdons de notre superbe, et c’est bien consolant de se dire que l’être aimé part peut-être pour un ailleurs où nous espérons le retrouver un jour.
Jésus nous l’a dit, il s’en va nous préparer une place et il reviendra nous prendre avec lui.
Mais pourquoi oublier les versets qui suivent immédiatement, et qui sont pourtant le coeur même de l’Evangile ?
“Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie”.
Avons-nous vraiment compris qu’avant d’aller là où le Seigneur nous attend, il s’agit de suivre son chemin, c’est-à-dire ses commandements dans l’Evangile, et de recourir à sa miséricorde donnée pour nos fautes, à condition cependant de les reconnaître humblement devant lui et d’implorer son pardon ?
Si je dis que nous vivons à une curieuse époque, c’est que les baptisés qui désirent la vie éternelle sont infiniment plus nombreux que ceux qui suivent les chemins de l’Evangile. Et pour ne froisser personne, on prêche le Royaume des Cieux pour tout le monde, le tapis rouge déroulé au paradis pour ceux qui ont nui une vie entière parfois à leur prochain, dans une indifférence totale aux exigences de leur baptême.
Lisons bien l’évangile d’aujourd’hui :
“Pour aller où je m’en vais, vous savez le chemin.”
Telle est la Parole du Christ. Prendre le chemin. Son Chemin.