À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : « Si le monde a de la haine contre vous, sachez qu’il en a eu d’abord contre moi.
Si vous apparteniez au monde, le monde vous aimerait, car vous seriez à lui. Mais vous n’appartenez pas au monde, puisque je vous ai choisis en vous prenant dans le monde ; voilà pourquoi le monde a de la haine contre vous.
Rappelez-vous la parole que je vous ai dite : Le serviteur n’est pas plus grand que son maître. Si l’on m’a persécuté, on vous persécutera, vous aussi. Si l’on a observé ma parole, on observera aussi la vôtre.
Les gens vous traiteront ainsi à cause de moi, parce qu’ils ne connaissent pas celui qui m’a envoyé. »
Jean 15, 18 – 21
Il y a, comme toujours dans l’Evangile de Jean, différents niveaux de lecture dans cet extrait. On aura tendance à considérer immédiatement le premier : le chrétien est encore aujourd’hui celui qui n’adhère pas à une certaine marche du monde, aux évolutions sociétales qui semblent inéluctables et qui pourtant relèvent avant tout d’un rejet de la loi divine et d’un manque de confiance dans la puissance toujours agissante de Dieu. Les récentes oppositions à une nouvelle loi en France n’en sont qu’un exemple. Je suis souvent effarée quand, regardant le journal télévisé, j’assiste à la prétention des scientifiques : repousser l’espérance de vie jusqu’à plusieurs siècles, aller coloniser Mars, utiliser l’embryon humain pour soigner les malades… Les mêmes qui se récrient quand on a la simplicité de croire à l’Evangile et aux oeuvres que Jésus a accomplies au nom de son Père se croient autorisés à aller plus loin que lui.
Le deuxième niveau de lecture se situe davantage à l’échelle spirituelle. Quand on a profondément fait sienne la Parole du Christ, qu’elle est la raison d’être et le moteur de notre vie, assez vite, on déplaît effectivement au monde, car on abandonne peu à peu sa logique de facilité et de péché. Et l’on devient étrange, suspect, asocial aux yeux des autres.
Il faut faire l’expérience d’aimer le silence quand tout le monde s’étourdit de musique et de bruit, de préférer la solitude aux rassemblements festifs, de fuir la médisance quand le groupe grossit au fur et à mesure qu’elle enfle, d’apprécier de devoir compter pour vivre quand les autres comptent pour épargner, s’enrichir ou augmenter leur confort, de trouver son bonheur dans la chasteté quand on vit dans un monde où le sexe est omniprésent.
Et enfin, le niveau de compréhension vécue de cet Evangile va encore au-delà : c’est quand on fait siennes profondément toutes les Béatitudes, jusqu’à celle-ci :
Malheureux êtes-vous quand tous les hommes disent du bien de vous : c’est ainsi que leurs pères traitaient les faux prophètes. Luc 6, 26
C’est franchir un pas que de se sentir plus proche du Seigneur quand très peu de monde dit du bien de vous. Car gare aux saintetés médiatiques : la Parole du Christ est une parole éminemment dérangeante, et quand elle ronronne sur des blogs populaires ou électrise les foules, elle est déjà dévoyée…