En quittant la synagogue de Capharnaüm, Jésus entra chez Simon. Or, la belle-mère de Simon était oppressée par une forte fièvre, et on implora Jésus en sa faveur. Il se pencha sur elle, interpella vivement la fièvre, et celle-ci quitta la malade. À l’instant même, elle se leva, et elle les servait.
Au coucher du soleil, tous ceux qui avaient des infirmes atteints de diverses maladies les lui amenèrent. Et Jésus, imposant les mains à chacun d’eux, les guérissait. Des esprits mauvais sortaient de beaucoup d’entre eux en criant : « Tu es le Fils de Dieu ! » Mais Jésus les interpellait vivement et leur interdisait de parler parce qu’ils savaient, eux, qu’il était le Messie.
Quand il fit jour, il sortit et se retira dans un endroit désert. Les foules le cherchaient ; elles arrivèrent jusqu’à lui, et elles le retenaient pour l’empêcher de les quitter. Mais il leur dit : « Il faut que j’aille aussi dans les autres villes pour leur annoncer la Bonne Nouvelle du règne de Dieu, car c’est pour cela que j’ai été envoyé. » Et il se rendait dans les synagogues de Judée pour y proclamer la Bonne Nouvelle.
Luc 4, 38-44
Cet évangile m’interpelle toujours sur un point que peut-être personne ne relève, au verset 39 : À l’instant même, elle se leva, et elle les servait.
Dimanche dernier, notre curé a repris dans son homélie sur Luc 14, 1a. 7-14 la phrase célèbre de l’abbé Huvelin que Charles de Foucauld aimait à répéter :
“Jésus a tellement pris la dernière place que nul, jamais, ne pourra la lui ravir ».
J’ai beau aimer Charles de Foucauld, cette formule m’amène à réfléchir depuis longtemps, et je ne parviens pas à être totalement d’accord.
Le Christ a occupé la dernière place sur la croix, c’est certain. Relégué au rang de malfaiteur, lui qui était absolument sans péché, crucifié dans l’opprobre et dans l’abandon de presque tous ses disciples, il a connu à ces heures une déréliction extrême, qu’il exprime dans son cri au Père : “Eli, Eli, lama sabachthani ?” (“Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?”)
Mais pour en revenir au verset 39 de l’évangile d’aujourd’hui, on ne peut que constater que Jésus n’a pas toujours occupé dans sa vie terrestre la toute dernière place. Ici on voit la belle-mère de Simon Pierre guérie par Jésus puis les servir. Ailleurs dans l’évangile, on peut lire : Les Douze étaient avec lui et quelques femmes qui avaient été guéries d’esprits mauvais et de maladies : Marie, dite de Magdala, de laquelle étaient sortis sept démons, Jeanne, femme de Chuza, intendant d’Hérode, Suzanne, et plusieurs autres, qui l’assistaient de leurs biens. Luc 8, 1-3
Gageons que ce ne sont pas les disciples, ni Jésus, qui ont préparé leurs repas en la présence de ces femmes. Et de même, on voit Marthe tout affairée pour le recevoir, de même qu’on devine des femmes actives à la cuisine et au service pendant tous les dîners auxquels il était convié.
Jésus a connu aussi la douceur d’avoir une mère qui savait qui il était, et qui a sans doute été pour lui la plus délicieuse des mamans. Il est né dans la plus extrême pauvreté, mais sans doute n’a-t-il pas connu de carence affective dans sa relation avec sa mère.
Et enfin, pendant le temps de son ministère public, il s’est fait bien des ennemis, surtout parmi les gardiens de la religion, mais il a reçu aussi beaucoup d’amour des foules qui ont cru en lui et lui ont montré de la reconnaissance pour toutes les œuvres belles qu’il a accomplies.
Ce développement pour en arriver à la conclusion qu’il est possible, surtout quand on est une femme, d’occuper la dernière place dans sa vie terrestre davantage que le Christ Jésus.
Il n’est qu’à songer à cette prière que faisaient les hommes juifs tous les matins – et peut-être y en a-t-il encore qui la disent de ne jours – pour remercier Dieu de ne pas être nés femmes.
Réfléchissons aussi à ce que signifie naître fille dans toutes les sociétés où c’est considéré comme une disgrâce pour leurs parents. Et d’ailleurs, en Chine ou en Inde, il y a déjà un énorme déficit en population féminine tellement on pratique l’avortement sélectif des filles.
Je pense aussi à toutes les religieuses cantonnées à des tâches subalternes au fond de leur couvent ou dans la société si elles sont apostoliques. Quand un prêtre vient les visiter, elles sont aux petits soins pour lui. Jamais personne n’est aux petits soins pour elles, sauf peut-être dans leur extrême vieillesse.
Et je ne cesse de porter dans ma prière toutes mes sœurs en humanité qui souffrent sous le joug écrasant des hommes dans tant de civilisations. Sans compter le peu de cas que l’on fait, et cela est universel, de leurs inspirations spirituelles.
Alors voilà, aujourd’hui, en pensant à la belle-mère de Pierre qui à l’instant même de sa guérison se leva à servit le Christ et ses disciples, je me dis qu’il n’est pas tout à fait juste de dire que personne, jamais, ne pourra ravir la dernière place à Jésus. Et Lui ne m’en voudra pas d’oser le dire.
Image : Jésus guérit la belle-mère de Pierre Miniature du Codex Egbert (Xe siècle)
1 commentaire
Bonjour Véronique..ton commentaire me semble juste..Les femmes contemporaines de Jésus n’auraient pas compris et auraient été blessées qu’Il refuse un repas préparé avec amour..Il devait avoir une telle densité de regard qui faisait sentir à chacun sa dignité de personne, sa valeur, qu’elles ont probablement été marquées profondément par Sa présence dans leur maison. Les femmes transmettent la vie, en y laissant toujours un peu d’elle-même même si les décès en couches sont plus rares, et j’ai le sentiment que cette vocation inscrite dans leur être les ouvre spirituellement ( beaucoup de femmes dans l’Eglise)..Cette ouverture, grâce de Dieu, est une richesse et une chance pour les femmes! Bonne journée, Claire