Sagesse 9, 13-18
Psaume 89
Philémon 1, 9b-10.12-17
Luc 14, 25-33
Voici que sur le chemin qui conduit à Jérusalem, Jésus donne des conseils précis à ceux qui veulent le suivre. « Si quelqu’un vient à moi… » Et ces paroles de Jésus, ce dimanche, sont assez dures à entendre ! Quels sont donc ces conseils à celui qui veut suivre Jésus ?
Le premier est un arrachement aux liens familiaux. Il s’agit de préférer le Christ à son père, sa mère, ses sœurs, ses frères et même sa femme et ses enfants. Le Christ revendique la première place dans notre cœur et dans notre vie quotidienne. Bien sûr, le Seigneur connaît le commandement d’honorer son père et sa mère et lui-même a enseigné que l’union de l’homme et de la femme est telle que l’homme ne peut séparer ce que Dieu a uni. Mais le Seigneur sait aussi que la famille – si bonne soit-elle – peut être étouffante et constituer parfois un grand obstacle à la vie chrétienne. Le Seigneur le sait lui-même avec sa propre famille qui le prend pour un fou et veut l’arrêter dans sa mission. Que d’enfants en âge de scolarité ou de jeunes aujourd’hui sont empêchés d’être baptisés par leurs propres parents ! Que de jeunes sont arrêtés sur le chemin d’une vocation sacerdotale ou religieuse par leur famille, même chrétienne, même pratiquante et « engagée », comme on dit ! Le Seigneur sait ce qu’il dit : pour le suivre, il faut s’arracher aux liens familiaux pour les vivre librement : car la suite du Christ donne la liberté dans sa relation avec sa famille, liberté sans rupture mais avec hiérarchie des importances, liberté devant tous les enfermements familiaux de toutes sortes, et souvent subtils.
Le second arrachement est le détachement par rapport au quand dira-t-on. En effet, porter sa croix, c’est supporter l’humiliation, la dérision, c’est « ne pas rougir de lui”. Nous ne nous rendons pas compte à quel point le regard et l’opinion d’autrui sont une prison pour nous. Que de choses nous désirons ou que nous faisons uniquement parce que d’autres – des amis, des proches – le font ! Que d’actions nous n’osons faire, que de paroles nous retenons à cause de l’opinion des autres ! Dans notre pays où la mode est au rejet du christianisme, que de personnes qui s’arrêtent sur le chemin de la foi à cause des idées du temps. Jésus nous prévient : le suivre, c’est suivre un maître crucifié.
Le troisième arrachement est le renoncement aux biens. Là encore le Seigneur sait à quel point la possession des biens est un obstacle sur le chemin de l’Évangile. Comment un homme qui met tout son intérêt dans ses biens, peut-il encore s’attacher au Christ ? Comment un homme qui met toute sa sécurité dans ses richesses, peut-il se confier au Christ comme doit le faire, de tout son cœur, un vrai disciple ? Il y a une logique : si le Christ est tout, alors on ne peut pas aller vers lui avec tout ce qu’on a, encombré de tout ce qu’on possède ! C’est cette logique que le maître explicite dans deux petites paraboles : quand on construit une tour, on calcule avant pour savoir si on peut aller jusqu’au bout de la construction… Si on fait la guerre, on calcule si on a ce qu’il faut pour remporter la victoire… Si on veut suivre le Christ il faut mieux savoir jusqu’où cela mène et les conditions qu’il faut remplir « pour aller jusqu’au bout »… Dans cet appel, le Seigneur nous demande de ne pas nous appuyer sur nos richesses, de ne pas accaparer de biens, de ne pas vivre pour nos biens, en référence à eux… Les dons concrets sont un bon moyen pour manifester régulièrement sa renonciation à l’appui sur les richesses.
Telle est la Sagesse, la vraie, qui nous est donnée par le Christ. C’est l’Esprit Saint seul qui peut nous la donner avec la force de l’accomplir. Comme le dit la première lecture : « Et qui aurait connu ta volonté si tu n’avais pas donné la Sagesse et envoyé d’en-haut ton Esprit Saint ? C’est ainsi que les chemins des habitants de la terre sont devenus droits, c’est ainsi que les hommes ont appris ce qui te plaît et par la Sagesse, ont été sauvés. »
N’est-ce pas dans la droite ligne de ces exigences que saint Paul ose demander à Philémon d’accueillir Onésime, son esclave fugitif : « pour que tu le retrouves définitivement, non plus comme un esclave, mais, bien mieux qu’un esclave, comme un frère bien-aimé »
Que le Seigneur donne à chacun de nous la grâce d’entendre cette parole du maître ce dimanche et de l’accomplir avec joie et liberté.
Père Charles-André Sohier
Source : http://www.kerit.be/homelie.php