Exode 32, 7-11.13-14
Psaume 50
1 Timothée 1, 12-17
Luc 15, 1-32
Prédicateur : Philippe Cochinaux
« Il était une fois un vieil homme assis à l’entrée d’une ville du Moyen-Orient. Un jeune homme s’approcha et lui dit : Je ne suis jamais venu ici ; comment sont les gens qui vivent dans cette ville? Le vieil homme lui répondit par une question : Comment étaient les gens dans la ville d’où tu viens? Égoïstes et méchants. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’étais bien content de partir, dit le jeune homme. Le vieillard répondit : Tu trouveras les mêmes gens ici. Un peu plus tard, un autre jeune homme s’approcha et lui posa exactement la même question. Je viens d’arriver dans la région ; comment sont les gens qui vivent dans cette ville ? Le vieil homme répondit de même : Dis-moi, mon garçon, comment étaient les gens dans la ville d’où tu viens ? Ils étaient bons et accueillants, honnêtes ; j’y avais de bons amis ; j’ai eu beaucoup de mal à la quitter, répondit le jeune homme. Tu trouveras les mêmes ici, répondit le vieil homme. Un marchand qui faisait boire ses chameaux non loin de là avait entendu les deux conversations. Dès que le deuxième jeune homme se fut éloigné, il s’adressa au vieillard sur un ton de reproche : Comment peux-tu donner deux réponses complètement différentes à la même question posée par deux personnes? Celui qui ouvre son cœur change aussi son regard sur les autres, répondit le vieillard. Chacun porte son univers dans son cœur ».
Ce conte venu d’Orient me semble bien illustrer la dynamique de l’évangile que nous venons d’entendre. Si le premier jeune homme appartiendrait plutôt à la catégorie des pharisiens et des scribes, voire du fils aîné de la parabole, le second quant à lui, serait de ceux qui répondent à l’appel de l’évangile. Un appel bien spécifique : apprendre à vivre sa vie avec les yeux de son cœur. C’est aussi simple que cela. Nous voyons ce que nous voyons à partir des êtres que nous sommes. Par delà certaines réalités de la vie qui sont complexes et parfois très douloureuses, il y a celles et ceux dont la vie est une plainte lancinante puis il y a celles et ceux qui la traversent avec une certaine douceur. Nous sommes toutes et tous marqués par nos histoires respectives. L’essentiel est de trouver sur nos routes des personnes qui nous prennent la main et nous relèvent lorsque nous trébuchons. Elles sont le signe visible de la présence de Dieu au cœur de notre humanité. Elles nous convient à voir et surtout à vivre la vie autrement. En fait, par notre cœur. La vision du monde se transforme complètement puisque la foi, l’espérance et l’amour sont les yeux avec lesquels nous avançons sur notre chemin de croyantes et croyants. Dès lors, vivre avec les yeux de Dieu, c’est regarder le monde avec foi, c’est-à-dire avoir toujours confiance en l’autre, reconnaître que même s’il peut lui arriver de se perdre, il peut se reprendre et se retrouver pour marcher à nouveau debout sur le chemin de sa vie. Il y a donc cette confiance en l’être humain malgré ses faiblesses. Ensuite, vivre avec les yeux de Dieu, c’est regarder le monde avec espérance. L’espérance quitterait notre cœur à jamais s’il n’y avait des signes qui nous disent que le temps est parfois cette période nécessaire à un être humain pour qu’il puisse faire ses propres découvertes et mûrir de ses échecs. L’espérance nous invite à garder un regard de tendresse vis-à-vis de tout un chacun. Elle est une force intérieure qui nous pousse à aller à la rencontre de celles et ceux de qui nous nous faisons proches. Elle s’entretient quotidiennement par notre capacité à nous réjouir de ce que chacune et chacun nous puissions trouver l’ajustement de nos destinées au projet de Dieu. Et enfin, vivre avec les yeux de Dieu, c’est regarder le monde avec amour, c’est-à-dire être habité de ce sentiment noble qui donne du baume au cœur, de la lumière dans le regard, de la douceur dans les mots. L’amour nous permet de respecter le chemin personnel de tout être humain, de l’accompagner même s’il se trompe et surtout, de se réjouir lorsqu’il revient vers lui-même. L’amour est toujours teinté de compassion et permet ainsi d’être capable de vivre le pardon ou mieux encore, la réconciliation. Avoir la foi, l’espérance et l’amour, nous permet ainsi de porter un autre regard sur le monde puisque chacun nous portons l’univers dans notre cœur.
Amen