Luc 16, 19-31
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Prédication du pasteur Luc Serrano
Un jour, dans une école talmudique, un élève demande à son rabbin :
«Pourquoi un pauvre est amical et prêt à aider, tandis qu’un riche ne nous remarque même pas ?» Le rabbin lui demande alors de regarder par la fenêtre ; il y voit une femme avec son enfant qui va au marché. Ensuite, il lui dit de se tourner vers un miroir, et lui demande ce qu’il voit. L’élève répond: «Moi-même!» Et le rabbin continue, en lui disant :
«La fenêtre est faite en verre, le miroir aussi, mais au fond de ce dernier il y a une couche d’argent, et vois-tu, dès qu’on met un peu d’argent derrière le verre, on ne voit plus que soi-même.»
C’est aussi ce que nous dit cette parabole de « L’homme riche et du pauvre Lazare », que je viens de vous lire. En effet, nous y découvrons un homme riche qui ne pense qu’à lui-même, sans s’occuper ou se préoccuper d’autre chose. Je crois que vous aurez tous à manger à midi et un toit pour vous loger ce soir. Je vois que vous avez tous des habits encore assez beaux, pas usés jusqu’à être transparents, je veux dire par là que je pense que vous ne portez pas ces mêmes habits sans interruption depuis des jours, voire des mois. Autrement dit, quelque part, vous êtes tous riches, notamment si on vous compare à une grande partie de la population du monde. Cette parabole de l’homme riche nous concerne donc tous directement, moi y compris !
Mais le texte que j’ai choisi ce matin nous ouvre aussi un voile sur l’Au-delà, le monde après la mort. La Bible ne décrit pas en détail comment sera le Ciel, je crois d’ailleurs qu’il n’y aurait pas de mots pour le faire, mais elle nous donne des indications. Et cette parabole nous en donne quelques-unes. La première chose à noter, c’est qu’elle ne parle pas de la situation ultime dans le Ciel ou l’Enfer, car ici, il est d’abord question du séjour des morts, « le sein d’Abraham ». Nous sommes donc avant la Résurrection des morts et le Jugement dernier ; car, après, il n’y aura plus de communication possible entre le Ciel et l’Enfer. Par contre, dans cette parabole, s’il n’y a pas de pont entre ces deux endroits, les gens peuvent se parler, ainsi l’homme riche et Abraham se parlent. Cependant, il serait hasardeux, à partir de cette parabole ou de tout autre texte, de tirer un enseignement doctrinal sur ces questions s’il n’est pas corroboré par d’autres textes bibliques. Autrement dit, si Jésus ou les apôtres ne disent pas la même vérité ailleurs, on ne peut tirer un enseignement à partir d’une parabole. Ce texte n’est donc pas un enseignement sur le Ciel ou l’Enfer ou l’Au-delà. Ce qu’il nous montre surtout, c’est qu’après la mort il y a une séparation : l’homme riche et Lazare ne vont pas dans les mêmes lieux. Jésus ne veut pas pour autant nous faire peur, mais plutôt nous inviter à ne pas passer à côté de la vie, à ne pas manquer l’Essentiel. Face au mystère de la mort, Jésus ne parle pas d’abord de Jugement ou de peines éternelles, mais d’Espérance et de Vie éternelle. Et cette parabole, si elle peut paraître et même être un avertissement, veut surtout nous inviter à saisir cette Espérance et la faire croître tout au long de notre existence.
Alors, que veut dire cette parabole ? Qu’une grande partie des riches iront en Enfer et la majorité des pauvres au Ciel ? Ce n’est pas si simple que ça ! En tout cas ce passage de l’Evangile de Luc ne dit pas cela. Luther, pour sa part, disait qu’un pauvre ne va pas au Ciel parce qu’il est pauvre, et un riche en Enfer parce qu’il est riche. Abraham par exemple, que l’on trouve dans cette parabole, était assez riche, même très riche, et il se retrouve du bon côté. Alors qu’est-ce qui différencie ces deux personnages, si ce n’est pas la richesse ou la pauvreté ?
Un élément essentiel les différencie dans la parabole, et ce n’est pas un hasard : Lazare a un nom et l’homme riche pas. En effet, son nom n’est pas indiqué : ce qui est indiqué, ce sont des éléments de sa richesse, comme ses vêtements de pourpre et de fin lin, et la vie qu’il pouvait se payer, joyeuse et brillante. C’est comme s’il n’existait que par ses richesses, par son avoir sans Etre vraiment. Comme si sa richesse lui avait fait perdre son nom, son identité, son âme – et nous en connaissons beaucoup à qui c’est arrivé ou arrive encore -. Comme si ses biens avaient supplanté sa personne, comme s’il ne se définissait plus qu’à partir de son avoir. Il avait beaucoup de richesses, mais il n’avait que cela, et en avait perdu son nom ! Et pourtant, comme Lazare, comme vous et moi, c’était une personne créée à l’image de Dieu, appelée à avoir une relation avec Dieu.
Mais dans le texte, aucune indication ne mentionne une quelconque relation de l’homme riche avec Dieu. L’homme riche ne se préoccupe ici ni de Dieu ni de son prochain, donc de Lazare. Et Lazare, me direz-vous, on ne parle pas non plus de sa relation à Dieu. Apparemment, c’est vrai, mais j’ai dit que Lazare a un nom, vous le connaissez : c’est justement Lazare. Et savez-vous ce que ce nom signifie en hébreu ? Comme Eléazar , son nom signifie « Dieu a secouru » ou « Dieu a aidé ». Voilà le lien, la relation entre le pauvre Lazare et Dieu, il nous est donné par son nom. Lazare a un nom, ce n’est pas un numéro, un pauvre quelconque : certes il est pauvre mais il a un nom, une identité, une personnalité.
Et la Bible dit que Dieu nous appelle par notre nom, ce que nous répétons lors de chaque baptême; car il nous connaît personnellement, avant même que nous existions, il nous connaissait. Et Dieu a des projets d’amour et de bienveillance envers chaque être humain, riche ou pauvre, blanc ou noir, petit ou grand ou tout ce que vous voulez. Dieu a connu et aimé Lazare. Il a aussi connu et aimé l’homme riche, comme il a connu et aimé Judas, Pierre, Paul, comme il aime chacun de nous. Mais la différence, c’est que Lazare a été secouru par Dieu, c’est ce que signifie son nom, il a reçu quelque chose de Dieu, le secours ; car lui savait qu’il avait besoin du secours de Dieu.
Il n’avait presque rien, Lazare, il était pauvre, il était content de ramasser quelques miettes au milieu des chiens. Il était conscient de son état, qu’il avait besoin du secours de Dieu, pas seulement pour le nourrir, mais pour recevoir l’espérance de la vie éternelle, le pardon de Dieu.
C’est là le cœur de cette parabole, qui se situe au milieu de textes parlant de la fidélité et du pardon: la fidélité de Dieu, qui prend soin de Lazare, le conduit après la mort au sein d’Abraham, parce qu’ il a reçu le pardon de Dieu, la Grâce.
Mais l’homme riche a aussi reçu quelque chose, il l’a même reçu de Dieu, ou plutôt Dieu a permis qu’il reçoive quelque chose, ce sont des biens : Abraham le lui a dit, tu as reçu tes biens pendant ta vie. L’homme riche a reçu des biens, mais seulement des biens, il n’a pas reçu le pardon de Dieu, parce qu’il ne l’a pas demandé, pas cherché, n’ayant pas de relation avec Dieu. Il pensait qu’il avait tout ce qu’il fallait avec ses richesses, et il n’a pas pensé que l’homme ne vit pas de pain seulement ou de richesses, mais de toute parole qui sorte de la bouche de Dieu. Sur la terre, l’homme riche ne pensait qu’à lui, à sa vie, et il jouissait de cette vie. Ce n’est pas interdit de jouir de la vie, Jésus a fait le premier miracle à Cana en changeant l’eau en vin. Simplement, il ne suffit pas de jouir de la vie ici- bas, Jésus nous invite à jouir de la vie aussi après la mort, à participer au « festin des noces de l’Agneau ». L’homme riche ne se savait pas pauvre devant Dieu. Il n’a compté que sur ses richesses, qui n’ont pas pu le sauver. Il n’a pensé qu’à lui, a oublié Lazare et Dieu. Maintenant, dans le séjour des morts, il ne pense plus seulement à lui, il pense enfin aux autres , à ses frères. Il aimerait pouvoir leur envoyer Lazare, en espérant qu’ils comprendraient ce qui est Essentiel dans la vie, et se repentiraient. Car désormais, notre homme riche est conscient de ses péchés et de ceux de ses frères, et parle enfin de repentance. Et que répond Abraham ? Que s’ils n’écoutent pas Moïse et les Prophètes, ils ne risquent pas de se laisser persuader, même si quelqu’un revenait de la mort pour leur parler. Dieu avait envoyé Lazare vers l’homme riche pour lui ouvrir les yeux, il était couché à sa porte, mais il n’avait pas su discerner dans sa présence un appel de Dieu à réfléchir et à se repentir, et maintenant il veut l’envoyer vers ses frères !
Jésus, nous répètent inlassablement les Evangiles, est venu accomplir la Loi et les Prophètes. Par là, Jésus veut nous inviter à ouvrir la Parole de Dieu et surtout nous ouvrir à elle, car Tout y est déjà écrit ; même si Lui, nous donne une nouvelle clé de lecture au travers de sa vie et de sa mort. Cette Clé est que « nous sommes sauvés par Grâce, par le moyen de la Foi » (cf.Eph 2, 8) ; et la foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la Parole du Christ.
Cette parabole est en fait la parabole « du pauvre homme riche et du riche pauvre Lazare ». Elle nous invite à axer nos vies sur la Parole de Dieu seule, si nous voulons recevoir la Vie éternelle.
La Loi nous rappelle d’ailleurs que c’est un péché que d’aimer quelque chose ou quelqu’un plus que Dieu, et Jésus a repris cela, lorsqu’il a dit :
« Si quelqu’un vient à moi, sans me préférer à son père, à sa mère, à sa femme, à ses enfants, à ses frères, et à ses sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut être mon disciple. Et quiconque ne porte pas sa croix, et ne me suit pas, ne peut être mon disciple ». Mais il a surtout dit, et cela vaut pour tous les hommes riches, jeunes ou vieux, mais aussi pour tous les pauvres et pour nous tous ici :
« Je suis venu afin que les brebis aient la vie, et qu’elles l’aient en abondance » . Dieu désire ainsi notre Bonheur : que nous soyons riche ou pauvre, il nous offre sa Paix et la Vie éternelle.
Amen.
Source : http://www.erf-villefranche.fr/cultes/Predic-03-05-09.pdf
6 commentaires
Gloire à Dieu pour ce bon message.
Que vois bénisse abondamment mon pasteur. Onction sur onction. Amen shalom.
Très bonne prédication. Merci
Merci pour ce message qui nous appelle à toujours avoir un regard d’amour envers ceux qui sont dans le besoin
Merci Véronique pour ce commentaire d’un pasteur protestant. Ecouter d’autres sensibilités commenter la Parole approfondit notre méditation chrétienne. Je suis toujours heureuse, pour ma part, de partager l”Evangile en petit groupe, lorsque chacun, après une présentation du contexte littéraire et historique, “rumine” les mots qui font écho dans sa vie propre, et dit ensuite quelque chose de ce dialogue intime. Nous ressentons alors comme la Parole est vivante.
En communion d’espérance avec les protestants en fête ces 28 et 29 septembre 2013, je publie aujourd’hui, au lieu d’une homélie, une prédication d’un pasteur protestant sur la parabole du riche et de Lazare qui est méditée ce jour dans l’Eglise catholique.