Isaïe 2, 1-5
Psaume 121
Romains 13, 11-14
Matthieu 24, 37-44
À l’époque de Noé, nous dit l’évangile, les gens n’ont pas vu venir la catastrophe du déluge : ils mangeaient, ils buvaient, se mariaient jusqu’au dernier moment. La vie ordinaire, excellente bien sûr, sauf qu’il n’y a plus d’attente, de vigilance active. On se laisse anesthésier, distraire (Pascal), endormir par la consommation des choses, des gens, par la boulimie de la possession immédiate, sans rien attendre du lendemain et sans préparer l’avenir. Mais lors, nous dit Jésus, vous risquez de manquer le Fils de l’homme, sa venue dans votre monde, dans votre nuit, aujourd’hui comme au temps de Noé. Nous ne prenons plus le temps pour veiller, pour attendre et être disponible, quand Dieu, quand l’homme passe au milieu de nous.
Attendre, c’est accepter de manquer de quelque chose ou plutôt de quelqu’un. Savoir attendre, c’est espérer et agir pour un demain meilleur qu’aujourd’hui, plus accueillant, plus juste, plus ouvert Comme les grands prophètes juifs qui attendaient le Messie : « Il arrivera dans l’avenir que la montagne du temple du Seigneur… sera placée à la tête des collines… C’est de Sion que vient la Loi, de Jérusalem la Parole du Seigneur… De leurs épées, ils forgeront des socs de charrue, et de leurs lances, des faucilles. On ne lèvera plus l’épée nation contre nation, on ne s’entraînera plus pour la guerre. Venez, famille de Jacob, marchons à la lumière du Seigneur (Is 2, 1…5). »
Veiller, c’est choisir Dieu. C’est opter pour la Vie qu’est Dieu. S’endormir, c’est oublier Dieu et plonger dans un chemin de mort où l’on s’abrutit des « ripailles, beuveries, orgies, débauches, dispute et jalousie » dont nous parle Paul dans la deuxième lecture. Parce que nous consommons du temps, de l’amour, des biens dans l’immédiat et le court terme, nous ne veillons plus. Nous dormons le ventre plein et la tête vide. Nous devenons des engourdis de l’espérance.
Veiller, c’est attendre au cœur de la nuit du monde, l’arrivée de l’époux divin. Veiller, c’est préparer sa robe blanche d’épouse, ses parures de fête, sa pleine réserve d’amour comme la provision d’huile qui nourrit la lumière de notre lampe intérieure. Comme ces jeunes filles de la parabole (Matthieu 25).
Veiller, c’est être attentif aux passages du Seigneur dans les heures de prière silencieuse et persévérante. Veiller, c’est devenir capable de s’émerveiller, de découvrir Jésus dans le prochain que nous accueillons ou qui nous fait le cadeau de son sourire.
Faisons de l’Avent qui débute aujourd’hui, plus qu’une préparation aux réjouissances de fin d’année. Réveillons-nos de nos tiédeurs, de nos rêves, pour nous laisser conduire en nous-mêmes sur un chemin de rencontre avec Dieu. Laissons-Le, comme Marie, s’enfanter en nous. Laissons-nous laisser habiller par son amour et sa lumière. Oui, laissons Jésus venir en nous pour aimer, par nous, tous les frères et sœurs qu’il place sur nos routes.
Alors éclatera la joie de Noël !
Père Charles-André Sohier
Source : http://www.kerit.be/homelie.php