Isaïe 8, 23 – 9, 1-3
Psaume 26
1 Corinthiens 1, 10-13.17
Matthieu 4, 12-23
Dans l’Évangile de ce jour, Jésus nous invite à marcher à sa suite, à devenir ses disciples. Les deux lectures précédentes nous apportent un éclairage particulier sur cette suite du Christ. Tout d’abord, le prophète Isaïe nous rappelle que si nous nous mettons en marche, c’est que nous percevons une lumière, tels les mages qui avaient vu l’étoile se lever dans le ciel pour rechercher le Seigneur. Ensuite, Saint-Paul nous met en garde contre le risque de s’attacher plus à l’homme qui annonce l’Évangile qu’au Seigneur Jésus qui est annoncé.
Tout d’abord donc pour se mettre en chemin à la suite du Christ, nous entendons un appel, et nous percevons une lumière c’est-à-dire tout le positif de cet appel, toutes les promesses bénéfiques qui nous attendent. Nous répondons à l’appel du Christ non pas seulement et non pas d’abord pour lui rendre service, pour manifester notre générosité. Mais nous répondons à l’appel du Christ, d’abord parce que cela est bon pour nous. Pour exprimer ce positif, le prophète Isaïe prend l’image de la lumière. « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi ». Pour se mettre à la suite du Christ, il faut le percevoir comme cette lumière qui éclaire notre histoire, le chemin qui nous conduit au Père, la promesse de la vie éternelle.
Le prophète Isaïe précise aussi que cette lumière qui resplendit apporte avec elle la joie et la libération. « Tu as prodigué l’allégresse, tu la fais grandir la joie ». Et « le joug qui pesait sur eux, le bâton et le fouet, tu les as brisés. » Quand le Christ appelle, quand il confie une mission, certes, il y a un service à rendre, mais celui qui répond à cet appel et accepte la mission, est le premier bénéficiaire de la grâce accordée par cet appel. Cette grâce apporte la joie et la libération ce qui est une autre manière de parler du salut. Je pense en particulier aux vocations religieuses et sacerdotales. Quelquefois, dans la manière de présenter l’appel à ces vocations, il y a en filigrane comme un appel à se dévouer pour rendre un service. Or, à moins d’être animé par un esprit de sacrifices, qui le plus souvent ne dure pas plus longtemps que nos bonnes résolutions de début d’année, personne ne veut sacrifier sa vie, compris au sens négatif. Pour répondre à l’appel du Christ, personnellement, je dirais presque égoïstement, nous en comprenons aussi tous les avantages spirituels que nous en retirerons : marcher à la suite du Christ, ma lumière et mon libérateur.
D’autre part, après cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens, l’appel de St Paul à la communion des cœurs retentit de manière singulière. St Paul nous invite à l’unité : « Frères, je vous exhorte au nom de notre Seigneur Jésus-Christ à être tous vraiment d’accord ; qu’il n’y ait pas de division entre vous, soyez en parfaite harmonie de pensées et de sentiments ». Cette invitation s’accompagne aussi d’une explication des divisions : « On dit qu’il y a des disputes entre vous. Je m’explique. Chacun de vous prend parti en disant : « Moi, j’appartiens à Paul », ou bien : «J’appartiens à Apollos», ou bien : « J’appartiens à Pierre ». Chacun se réclame d’un apôtre, c’est-à-dire à celui qui l’a introduit dans la Foi.
St Paul souligne ainsi que certaines divisions proviennent d’un attachement trop fort voire exclusif à une personne particulière, à une tradition. Or, devenir chrétien, c’est s’attacher à la personne du Christ, le suivre comme le seul véritable maître. « Le Christ est-il donc divisé ? nous dit St Paul. Est-ce donc Paul qui a été crucifié pour vous ? Est-ce donc au nom de Paul que vous avez été baptisés ? » Toute autre personne ou tradition ne sont que des intermédiaires, des médiations, pour que le croyant soit introduit dans une relation personnelle et vivante avec la personne de Jésus. En ce sens, le modèle de l’apôtre est Jean le Baptiste qui désigne l’Agneau de Dieu et laisse ses disciples le quitter pour lui.
C’est ainsi que Paul l’avait compris quand il revient sur cette question de la division des chrétiens quelques versets après ceux que nous avons entendus : « Lorsque vous dites, l’un : “Moi, je suis à Paul”, et l’autre : “Moi, à Apollos”, n’est-ce pas là bien humain ? Qu’est-ce donc qu’Apollos ? Et qu’est-ce que Paul ? Des serviteurs par qui vous avez embrassé la foi, et chacun d’eux selon ce que le Seigneur lui a donné. Moi, j’ai planté, Apollos a arrosé ; mais c’est Dieu qui donnait la croissance. Ainsi donc, celui qui plante n’est rien, ni celui qui arrose, seul compte celui qui donne la croissance : Dieu. » (1Co 3, 4-7) Un proverbe oriental déclare que lorsque le sage montre la lune, le sot regarde le doigt. Mais plus sot encore serait le ministre qui détournerait les regards vers lui.
À l’exemple de Jean le Baptiste, montrons le Christ, sans nous interposer entre lui et le fidèle, et même, sachons nous retirer à temps ! C’est dans la joie que Jean le Baptiste a vu ses disciples partir à la suite de Jésus. La raison fondamentale est que « l’époux, c’est celui à qui l’épouse appartient ; quant à l’ami de l’époux, il se tient là, il entend la voix de l’époux, et il en est tout joyeux.» S’interposer entre le Christ et le croyant, c’est, pour ainsi dire, un rapt. Cette déclaration ne nous invite pas seulement à rester à notre place pour ne pas entraver la rencontre de l’épouse et de l’époux. C’est aussi une invitation à prendre toute notre place d’ami de l’époux, c’est-à-dire à vivre une relation personnelle avec Jésus, spécialement dans la prière.
En cette fin de semaine de prière pour l’unité des chrétiens, nous pouvons demander au Seigneur d’être renouvelé dans cette grâce d’une relation personnelle et vivante avec Jésus, notre lumière et notre libérateur, chacun de nous en particulier et chacune de nos communautés et Églises chrétiennes.
Frère Antoine-Marie Leduc, o.c.d., année 2008
Source : http://www.carmel.asso.fr/3eme-Dimanche-T-O-Mt-4-12-23.html