Jésus disait encore à ses disciples cette parabole :
« Est-ce que la lampe vient pour être mise sous le boisseau ou sous le lit ? N’est-ce pas pour être mise sur le lampadaire ? Car rien n’est caché, sinon pour être manifesté ; rien n’a été gardé secret, sinon pour venir au grand jour. Si quelqu’un a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! »
Il leur disait encore :
« Faites attention à ce que vous entendez ! La mesure dont vous vous servez servira aussi pour vous, et vous aurez encore plus. Car celui qui a recevra encore ; mais celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il a. »
Marc 4, 21-25
©AELF
A méditer cet évangile, je mesure le carcan qu’est devenue pour moi la laïcité exigée dans l’Education Nationale dans laquelle je suis fonctionnaire.
Quand j’étais étudiante à l’Ecole Normale d’Instituteurs, j’ai appris à connaître ce milieu. La laïcité y prenait souvent la forme d’un anticléricalisme primaire et farouche. Traversant à l’époque une période d’agnosticisme, j’observais cela en silence, parfois même avec une complaisance coupable, blessée tout de même que l’on moque l’évangile, la personne de Jésus, et mes engagements en jeunesse ouvrière chrétienne.
Le retour à la foi m’a exposée au paradoxe de ma situation. Le Seigneur avait daigné rallumer la lampe, mais j’étais priée de l’enfouir sous le boisseau. Ne rien laisser transparaître de ma foi, sinon les valeurs qu’elle me donne. Pour moi cela a été naturel, j’ai été formatée à la laïcité, je suis devenue d’une extrême pudeur dans ma vie quotidienne sur ma foi. Heureusement cependant, je vis en Alsace, où le statut concordataire confère un peu plus de souplesse sur ces questions. La grande majorité de mes élèves participe pendant les heures de classe au cours de religion catholique, et je ne me cache pas de ma sympathie pour l’intervenante, nous la remercions toujours d’un chant quand je reviens dans ma classe. Mais cela s’arrête là. Si la paroisse me remet une liasse d’invitations pour les enfants catéchisés, je demande à l’intervenante de religion de les distribuer elle-même. On m’a sollicitée pendant des années pour que j’encadre les servants d’autel du village, j’ai toujours refusé, ne me sentant pas le droit d’appeler mes propres élèves à un service ecclésial, sûre qu’on aurait pu me le reprocher.
Je rencontre certains de mes élèves à la messe dominicale, cela nous fait toujours grand plaisir, à eux comme à moi, mais s’ils m’en reparlent le lundi matin en classe, je suis obligée d’éluder.
J’aime porter une croix de Jérusalem, mais je suis très attentive à ne jamais l’avoir sur moi quand je fais classe. Si bien que ce serait faire preuve de mauvaise foi que de m’accuser d’un manque de laïcité dans l’exercice de ma profession.
Et pourtant… Au fil des années, cela me pèse, d’autant plus que les règles de la laïcité se durcissent ces dernières années. J’ai parfois de la peine quand un enfant est dans le deuil, et que je ne peux pas lui donner une parole d’espérance. Je demande au Seigneur de me pardonner la distance que je prends dans les leçons d’histoire qui touchent au fait religieux. Rester dans la neutralité absolue, obligation professionnelle.
Heureusement que j’ai cet espace, ici, où je peux vivre ma foi en toute transparence. Où enfin, je ne suis plus obligée de mettre la lampe sous le boisseau. Où je peux témoigner de la manière dont j’entends la Parole de Dieu.
Jusqu’ici, il n’y a pas eu d’interférence entre ce lieu et ma vie professionnelle. Je me demande parfois ce qu’il adviendra le jour où ce sera le cas…
4 commentaires
Je voulais revenir sur cet article qui me parle beaucoup. j’ai fait mes études en lycée privé avec tout ce que cela induit: une groupe priant, à Taizé parfois, surtout à la Pierre qui Vire, une envie de travailler plus tard dans le même style d’établissement. Puis la vie nous entraine ailleurs. capeps en poche, je me suis retrouvée dans le public… avec “tout ce que cela induit”… Peut-être ma foi n’était-elle pas assez forte… Arrivée dans la ville où je suis actuellement, pas de place dans le public pour mes quatre petites filles, du coup, les voilà dans “le privé” avec tous les quolibets que j’ai pu entendre de la part de mes “collègues” du public… Si j’ai été présente dans la catéchèse de mes filles petites, je n’ai jamais voulu m’engager plus loin. Elles ont repris le chemin du public dès le collège, le chemin de l’aumonerie avec bonheur, chacune à son rythme… Maintenant, je ne retrouve le Seigneur que dans mon silence ou dans “mes” montagnes… Et depuis que j’ai ouvert le cayolar, une façon pour moi d’exprimer “tout haut” ce que je ressens,….
Merci pour ce témoignage Mahina. Je comprends bien ce que tu sous-entends par les quolibets… Je ne veux même pas savoir ce qui se dit derrière mon dos dans mon équipe, mais je me souviens bien, il y a quelques années, d’avoir été le seul soutien d’un collègue moqué pour sa foi…
Personnellement j’ai fait tout mon cursus dans l’école publique et cela n’a jamais été une souffrance… sauf ces toutes dernières années…
la lampe est un signe de lumière, là où elle doit se mettre, là est le besoin; mais la lampe qui éclaire si bien est celle de l’âme; le problème c’est qu’il peut y avoir des âmes égarées pour des raisons multiples, comment peut-on leur offrir des lampes alors qu’ils n’ont pas encore trouvé le chemin qui peut les emmener là où la lumière jaillit pour tous?
C’est bien vrai Mustapha, beaucoup d’âmes sont égarées loin de la lumière… Je crois que le meilleur témoignage que l’on puisse donner, c’est d’être profondément heureux dans sa foi, d’irradier la lumière par notre être… Que notre foi soit vue par les autres comme une chance, un accroissement, et pas comme une contrainte ou comme une habitude. Donner aux autres envie de croire !
Amitiés,