Dieu mon Seigneur m’a donné le langage d’un homme qui se laisse instruire, pour que je sache à mon tour réconforter celui qui n’en peut plus.
La Parole me réveille chaque matin, chaque matin elle me réveille pour que j’écoute comme celui qui se laisse instruire.
Le Seigneur Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé.
J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe.
Je n’ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats. Le Seigneur Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu mon visage dur comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu.
Il est proche, celui qui me justifie. Quelqu’un veut-il plaider contre moi ? Comparaissons ensemble. Quelqu’un a-t-il une accusation à porter contre moi ? Qu’il s’avance ! Voici le Seigneur Dieu qui vient prendre ma défense : qui donc me condamnera ?
Isaïe 50, 4-9a
Comme je l’ai raconté dans mon témoignage, à partir de 2000 et pendant quelques années, j’ai eu une correspondance avec un moine bénédictin de l’abbaye de la Pierre-qui-Vire, que j’avais connu comme étant le rédacteur de méditations bibliques que publiait le magazine Panorama. Ces méditations nourrissaient profondément ma foi, me parlaient d’une façon tout à fait saisissante, et pour cette raison j’avais voulu entrer en contact avec leur rédacteur. Quand j’ai reçu une première lettre de lui, j’ai été émerveillée : non seulement il me comprenait en tous points à une période très difficile de ma vie, mais encore je découvrais une calligraphie magnifique, la plus belle écriture qu’il m’ait jamais été donné de voir ; j’ai gardé toutes ses lettres comme des parchemins précieux de moine copiste. Ce bon et humble moine est entré dans la paix du Seigneur en 2007 sans que nous ne nous soyons jamais rencontrés. Mais son souvenir et l’ardeur de sa prière sont plus vivants en moi que n’auraient pu l’être ceux d’une personne rencontrée “des yeux de la chair”.
En ce Mercredi Saint, je voudrais lui rendre hommage en publiant ici sa méditation du 19 avril 2000, qui était aussi un Mercredi Saint de l’année B, comme cette année.
“Je n’ai pas protégé mon visage”
Nous cherchons le vrai visage de Dieu, son visage de gloire. Et voici, d’une scandaleuse hardiesse, la réponse de la Parole divine : le serviteur n’est pas la réponse de Dieu à la question du philosophe ; il est la réponse personnelle que Dieu adresse au coeur de tout homme. Invraisemblable paradoxe : c’est à travers un visage d’homme défiguré, ridiculisé, livré aux outrages et aux crachats, – un visage sans visage -, que se révèle à nous la face du Dieu vivant. Mais s’il est ainsi abandonné à la trahison et à la malice des hommes, s’il est ainsi totalement dépossédé de lui-même, dans la souffrance et dans la mort, c’est parce qu’il était pure écoute de la Parole de Dieu, disponibilité absolue à la Volonté de Dieu, pure relation filiale à son Père. En se livrant ainsi, il nous révèle à cet ultime niveau de profondeur le mystère de l’Amour gratuit, et la Gloire de Celui qu’on ne peut voir sans mourir. Il nous révèle ainsi à quelle expropriation de nous-même nous devons nous offrir pour nous ouvrir à la plénitude du mystère de Dieu. Il nous apprend surtout qu’il est infiniment proche, et que nous pouvons l’atteindre et faire l’expérience de sa Présence, partout où il y a une souffrance, une humiliation… Nous pourrions aujourd’hui, à la lumière du visage du Christ défiguré, apprendre à regarder et à aimer tout homme.
Image : La sainte Face Fra Angelico