Isaie 49, 14-15
Psaume 61
1 Corinthiens 4, 1-5
Matthieu 6, 24-34
Une lecture rapide de l’évangile d’aujourd’hui pourrait nous induire en erreur. Jésus aurait-il condamné l’argent ? Aurait-il invité à l’indolence et l’oisiveté ? Aurait-il conseillé de ne pas prévoir et gérer les dépenses de son budget ? Non, bien évidemment.
« Aucun homme ne peut servir deux maîtres… Vous ne pouvez servir à la fois Dieu et l’Argent…» Voilà la clé qui ouvre le sens de cet évangile. Jésus ne condamne pas le fait d’avoir de l’argent mais bien « de servir l’argent ». Lui qui, à Nazareth, avait travaillé comme charpentier, lui qui a reproché au mauvais serviteur de ne pas avoir fait fructifier son argent à la banque dans la parabole des talents, ne condamne pas l’usage de l’argent mais bien l’asservissement à l’argent.
Cet esclavage de l’argent est le véritable cancer de nos sociétés. Notre civilisation est en train de se détruire elle-même, sous le rythme infernal que lui impose la course au luxe extrême, aux gadgets de toutes sortes. On gaspille les ressources de la planète afin d’augmenter les profits d’un petit nombre de spéculateurs. On continue le pillage des pays pauvres au profit des pays riches. La cupidité des spéculateurs a provoqué la crise économique actuelle et a ruiné des millions de personnes. À cause de leurs décisions irresponsables, un nombre incalculable de gens ont perdu leur emploi dans tous les pays du globe.
Il semble par ailleurs que pour certains postes budgétaires, on trouve toujours des fonds disponibles, alors que d’autres on pratique des coupures substantielles. Les groupes de pression de l’industrie militaire sont omniprésents dans les couloirs des gouvernements. Combien de pays dépensent plus en armements qu’en éducation, en soins de santé ou en lutte contre la pauvreté. L’argent est un merveilleux serviteur, mais un maître tyrannique. Il peut être un extraordinaire moyen, mais recherché comme seul but, il a des répercussions catastrophiques.
Jésus ajoute : « C’est pourquoi je vous dis: Ne vous faites pas tant de souci pour votre vie, au sujet de la nourriture, ni pour votre corps, au sujet des vêtements. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? » Le souci est une autre forme de l’asservissement qu’entraîne la richesse. L’Occident riche est statistiquement plus fragile aux infarctus, aux dépressions et aux suicides que le reste du monde.
On rend hommage à l’idole argent, en sacrifiant sur son autel la santé, les principes éthiques, la famille, les amis. Combien d’hommes et de femmes n’ont plus de temps pour leur famille et leurs amis ! «Personne ne peut servir deux maîtres : Dieu et Mammôn (càd. l’argent idolâtré). »
A la fin du texte, Jésus résume son enseignement en une formule: « Cherchez d’abord le Royaume des cieux et tout le reste vous sera donné par surcroit! » Cela doit être notre premier souci et non pas le dernier. Le Christ vient nous rappeler que notre vie est dans les mains de Dieu. Il est notre Père, un Père qui aime chacun de ses enfants et qui veut leur bonheur ; il tient à eux comme à son bien le plus précieux. Il prend soin des oiseaux du ciel et revêt les fleurs des champs. C’est pour nous un appel à agir du mieux que nous le pouvons et puis, pour tout le reste, de nous confier à Lui.
Père Charles-André Sohier
Source : http://www.kerit.be/homelie.php