Chers frères évêques, prêtres et diacres,
chers amis venus des quatre coins du diocèse, frères et soeurs,
La vie chrétienne est comparable à une route sur laquelle nous apprenons à devenir enfants de Dieu. Cette route est rythmée par des étapes structurantes : l’enfance, l’adolescence, la vie adulte marquée par des choix professionnels, la décision de fonder ou non une famille, la volonté de s’engager dans une association, un parti politique ou au service de la mission de l’Eglise … Puis vient le troisième et le quatrième âge avec toutes les ruptures à consentir, les faiblesses à supporter, la mort à envisager.
Sur cette route, nous ne sommes pas seuls, parce que le baptême nous a insérés dans la famille des chrétiens et nous marchons en compagnie de frères et soeurs qui nous sont donnés, qu’il nous faut apprivoiser, apprendre à aimer et à servir.
Sur cette route, la Parole de Dieu nous sert de boussole pour garder le cap ! Ce n’est pas une parole ancienne enfermée dans un livre, ce n’est pas une parole de musée qu’il s’agirait simplement d’admirer, ce n’est pas une parole morte à conserver au fond d’un tiroir, mais une parole performative (c’est-à-dire qui accomplit ce qu’elle dit), une parole vivante qui nous engendre à notre humanité, une parole qui nous fait rencontrer quelqu’un, le Christ ressuscité, et qui s’accomplit comme nous l’a rappelé l’Evangile, génération après génération, dans l’aujourd’hui de la vie des hommes.
Sur cette route nous sont également offerts les sacrements qui sont des signes efficaces de l’action de Dieu qui accompagne notre marche vers l’avenir ; ils nourrissent notre foi, fortifient notre espérance et stimulent notre soif d’aimer à la suite de Jésus serviteur. Pour les célébrer, il faut toujours une parole, mais aussi de la matière concrète et visible comme l’eau, le pain, le vin, l’huile et des gestes comme la bénédiction, l’imposition des mains, le baiser de paix. En outre, il faut des ministres habilités, c’est-à-dire appelés, formés et envoyés pour poser les actes sacramentels selon la liturgie et le droit de l’Eglise.
Les évêques, prêtres et diacres qui prêtent leurs oreilles, leurs yeux, leur bouche, leurs mains, leur coeur et leur vie à l’action de l’Esprit Saint nous transmettent le don de Dieu et celui-ci peut se déployer par leur ministère. Nous ne nous donnons pas le salut à nous-mêmes, nous n’en sommes pas les auteurs ou les propriétaires, nous le recevons dans la mesure où nous ouvrons notre existence à Celui qui veut nous rejoindre, nous visiter, nous habiter et nous transformer dans son Amour.
A ce stade de ma réflexion, je voudrais affirmer et réaffirmer que notre Eglise catholique est structurée par le ministère apostolique et que normalement il ne peut y avoir de communautés chrétiennes sans prêtre. Chez nous, en Alsace, on peut encore avoir l’impression que nous sommes dans une situation privilégiée, surtout si nous nous comparons à ce qui se passe dans d’autres diocèses. Hélas, depuis trois ans maintenant, les effectifs de notre séminaire diocésain ont considérablement chuté et le nombre d’ordinations suscite chez les responsables que nous sommes de graves inquiétudes. Je confie ce souci à votre prière, mais aussi à votre discernement et à votre courage pour oser interpeler des jeunes et des moins jeunes à donner leur vie au service de l’Evangile. Suivre le Christ comme prêtre peut remplir une vie : il faut le dire, mais surtout le montrer ! Cette responsabilité incombe d’abord à nous les évêques et les prêtres, mais je m’adresse aussi aux nombreux parents que la foi remplit de joie.
Aujourd’hui, unis à notre archevêque, nous voulons retourner à la source de notre appel et consentir à nouveau à nous laisser appeler et envoyer par le Christ. Comme au premier jour où nous avons dit « Me voici », nous voulons re-choisir le Christ comme le Seigneur et le maître de nos vies, re-choisir l’Eglise qui, en dépit de ses faiblesses et de ses pauvretés, ne cesse de nous engendrer à la vie divine, re-choisir de grandir dans l’amour et de travailler de toutes nos forces à la communion et à l’unité. Dans un monde de violence et de haine et pourtant passionnément aimé de Dieu, nous avons à être signe et à faire signe pour dire que, dans le mystère pascal de Jésus, le mal et la mort sont déjà vaincus et qu’il nous faut ratifier dans nos vies la victoire du matin de Pâques. Aujourd’hui nous est redemandée l’offrande de nos vies, aujourd’hui il nous est redemandé d’entendre le « suis-moi » de l’Evangile et de devenir pleinement ce que nous sommes: évêques, prêtres et diacres à la manière des apôtres et selon le coeur de Dieu !
Aujourd’hui, frères et soeurs, oui aujourd’hui, la Parole est féconde, les sacrements portent leurs fruits de vie, les ministres de l’Eglise appellent les baptisés à faire de leur vie une belle histoire d’amour. L’Esprit est à l’oeuvre, il n’a pas déserté le champ de nos combats ! Toutefois, pour réussir pleinement, le projet de Dieu a besoin de notre collaboration active et généreuse. Il est vrai que la barque-Eglise affronte la tempête et que les vents contraires nous obligent à préciser notre attachement au Christ et à mesurer la qualité de notre fidélité. N’oublions jamais que c’est aujourd’hui et maintenant que Dieu nous aime et nous sauve et qu’il attend notre réponse à son initiative d’amour.
Si la messe chrismale met particulièrement à l’honneur les ministres ordonnés, elle invite chaque baptisé à grandir en sainteté et à devenir un chrétien, une chrétienne qui tient la route et qui est capable de témoigner de l’espérance qui fait vivre. Pour cela, il est essentiel d’entretenir une relation forte au Christ et de lui donner une place fondatrice dans notre existence. Il est essentiel également d’approfondir le contenu de notre foi car, disait Monseigneur Doré, « plus on connaît sa foi plus on l’estime » ; dans un monde en perte de repères, nous ne pouvons plus nous contenter d’approximations théologiques, il nous faut rendre compte avec simplicité, sérieux et dans la joie de l’espérance pascale et offrir au monde le trésor de la connaissance de Dieu.
Il est essentiel enfin de nous convertir sans cesse à la charité du Christ et de répandre sa bonne odeur autour de nous pour rejoindre l’homme dans toutes ses périphéries et lui dire, en paroles et en actes, que la vie vaut la peine d’être vécue, que l’amour n’est pas un rêve impossible ni l’espérance une cruelle illusion. C’est en exprimant l’amour de Dieu dans nos paroles, nos gestes, nos choix, nos engagements que nous allumerons et actualiserons le feu pascal pour que le monde ait un peu moins peur et un peu moins froid. Comme le dit la prière d’ordination des évêques, prêtres et diacres, je souhaite que pour nous tous, dans la diversité de nos vocations, le Seigneur « achève ce qu’il a commencé et le mène à son accomplissement »
Amen !
Source : http://www.cathedrale-strasbourg.fr/files/news/Homelie_Mgr_Kratz_2014-0415_Messe_chrismale.pdf