Ezéchiel 18, 25-28
Psaume 24
Philippiens 2, 1-11
Matthieu 21, 28-32
Les enfants tiennent une grande place dans nos vies et aussi dans la Bible. Les évangiles commencent avec la naissance d’un enfant et se terminent par la mort de ce Fils Unique. Et combien de récits de l’Ancien ou du Nouveau Testament nous parlent de la venue au monde, de la jeunesse et parfois aussi de la mort de tant d’enfants qui suscitent autant de joies que de cris ou d’appels à l’aide à Dieu et à Jésus.
Mais ce matin Jésus nous demande de porter notre attention sur un homme qui avait deux fils. Deux fils ! Une bénédiction, mais aussi la source de bien des soucis…
Et la Bible nous en donne pas mal d’exemples : Caïn et Abel deux frères dont l’un va tuer l’autre, Jacob et Ésaü deux frères dont l’un va usurper le droit d’aîné de son frère en abusant de la cécité de son père, deux autres frères sans nom dont l’un dilapide l’héritage de son père alors que l’autre reste « sagement » à la maison, et ce matin deux frères sollicités par leur père pour aller travailler à sa vigne.
Qu’ont-ils donc tous en commun ces deux fils ?
Ils ont tout d’abord cette liberté que Dieu leur a donnée en les créant, liberté d’agir ou de rester immobile, liberté d’accepter ou de refuser. Et Dieu donne cette liberté avec beaucoup de délicatesse. J’aime bien ce petit passage du 1er livre des Rois où Élie en passant sur le chemin propose à Elisée de le suivre. Ce dernier marque un très court instant d’hésitation, et Elie rétorque aussitôt : va, retourne, que t’ai-je donc fait ?
Dieu agit ainsi avec nous ! Il nous tend des perches, mais n’insiste jamais.
Mais en créant un être libre, Dieu sait très bien qu’il y aura inévitablement une tragédie, car l’homme à un moment donné veut se créer lui-même, il refuse de se résigner à reconnaître qu’il a été créé par un autre. Il agit alors sans mesurer la portée de sa décision !
Ils ont ensuite en commun d’une certaine façon de s’être marginalisés et de se trouver ainsi dans un état de solitude, de dépérissement avec le sentiment d’avoir perdu leur propre filiation et lien qui les réunissait à leur père ou à leur frère ou à leur communauté de vie.
Ils ont enfin en commun de n’avoir pas accepté de coller tout simplement à ce que Dieu a choisi pour chacun d’eux et à préférer le destin de l’autre. Il leur a manqué cette réflexion que nous devrions souvent nous faire avant d’agir ou de prendre des décisions : « Quelle est la volonté de Dieu sur moi en ce moment » ?
Pourquoi jalouser l’autre, alors que Dieu m’a tout donné pour être heureux comme je suis ?
S’arrêter là serait tronquer complètement l’évangile. Car il y a une autre chose que tous ont en commun et qui est peut-être la plus belle : c’est que tous reconnaissent qu’ils ont fait fausse route et qu’ils ont besoin du pardon pour pouvoir repartir sur de nouvelles bases.
Dieu est un peu dur avec Caïn, mais il met sur lui un signe qui le protègera de tous ceux qui en voudraient à sa vie, de façon à ce qu’il puisse repartir sur une nouvelle base.
Jacob a peur des représailles de son frère, mais n’aura de cesse après un mémorable combat dans la nuit, de tout mettre en œuvre pour lui demander pardon. Et faire alliance.
Le fils prodigue connaît la nuit des sens, qui l’amène à demander et à trouver le pardon de son père!
Et nos deux fils à qui leur père avait demandé d’aller travailler à sa vigne ? Il est sûr que l’un a réfléchi et a été capable de changer d’avis et d’accepter ce qu’il avait initialement refusé…alors que l’autre par jalousie n’a peut-être pas voulu aller travailler avec son frère ?
Mais peut-être que ce frère, tout comme le frère aîné du fils prodigue, n’existe pas, ou s’il existait il nous montrerait qu’on ne peut pas vivre dans un porte à faux perpétuel !
Alors que faire de cette parole un peu dure de Jésus qui nous dit que les publicains et les prostituées sont capables de repentir et donc de conversion pour prendre une nouvelle voie ? Elle nous dit, à l’image de la vie de tous ces fils, que beaucoup de ceux qui se sont mis dans une situation douteuse découvrent un jour que Jésus les prend en considération, qu’il leur propose la chance d’une vie nouvelle par la conversion, clé de la vie en Dieu…alors que certains qui ne se sont pas mis dans une situation douteuse passent à côté de la chance d’une nouvelle conversion et donc d’une vie nouvelle en Dieu. Ils s’installent dans une rigidité et une conformisme aveugles.
Frère Patrice
Source : http://www.abbaye-tamie.com/la_communaute/la_liturgie/homelies_tamie/homelies-2014/homelie-to-26/vue