Isaïe 45, 1-4.6a
Psaume 95
1 Thessaloniciens 1, 1-5b
Matthieu 22, 15-21
Un homme d’affaire chrétien me confiait un jour son embarras d’être riche. Il était culpabilisé de posséder de grands biens et d’entendre Jésus dire qu’on ne peut servir Dieu et l’argent. Je lui demandai alors s’il payait ses impôts. En effet, payer ses impôts c’est accepter d’être solidaire de ses concitoyens, y compris les plus pauvres. À l’époque de Jésus, les juifs devaient payer deux sortes d’impôts, l’un à l’occupant romain et l’autre au Temple.
Le contexte historique nous aide à comprendre le passage de l’évangile d’aujourd’hui. Les historiens nous apprennent, en effet, qu’en l’an 6 ( Jésus devait avoir 10 ou 12 ans), il y avait eu un soulèvement des juifs qui ne voulaient pas payer le tribut à l’empereur sous prétexte que Dieu est le seul seigneur et maitre en Israël et que payer le tribut à César revient à nier la suzeraineté du Dieu de l’Alliance sur Israël. Il s’agissait donc d’un problème réel.
Il y a aussi le contexte littéraire de notre évangile : il vient après trois paraboles enseignées par Jésus dans le Temple. Des paraboles pour parler du Royaume, difficile à définir par des mots aussi Jésus préfère parler de manière analogique. La réalité est complexe. En revanche, les pharisiens, eux, n’hésitent pas à poser une question « fermée » à laquelle on ne peut répondre que par oui ou par non.
Et la question se transforme en piège : si Jésus dit « non », il devient un opposant, un résistant par rapport à l’occupant. De faux témoins diront à son procès qu’il « sème le trouble dans la nation, il empêche de payer le tribut à César et se dit « messie-roi » (Luc 23,2). Si, inversement, Jésus dit «oui », il passera pour un collaborateur. Dans les deux cas, il paraît coincé !
La sortie du piège « Montrez –moi la monnaie qui sert à payer l’impôt ». Le texte précise : une pièce d’argent. Les symboles inscrits sur la pièce sont à la foi politique et religieux : en plus de l’effigie de l’empereur Tibère, il y a l’inscription, en latin, « Tibère César, fils du divin Auguste » et à l’avers « Pontifex maximus » (souverain pontife, un titre qu’on attribuera ensuite aux papes !).Il y a donc collusion entre les deux. En sortant une pièce de leur poche, les opposants à Jésus montrent qu’en fait, ils collaborent avec l’occupant. En effet, ils ont déjà résolu la question. Hypocrites !
« Rendez à César… » En parlant ainsi, Jésus limite les pouvoirs de César. Tout homme, fut-il empereur, ne se définit pas seulement par la place qu’il tient dans la société terrestre .Jésus le rappellera à Pilate au cours de sa passion : « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi s’il ne t’avait été donné d’en haut » (Jean 19,11). L’homme n’est pas créé à l’image de César mais à l’image de Dieu.
« Rendez à Dieu ce qui est à Dieu : Qu’est-ce qui est à Dieu ? Tout ! Jésus demande donc de distinguer les domaines sans les séparer. Il nous rappelle que notre vie est un passage vers une patrie définitive. Il est venu apporter aux hommes la capacité de devenir citoyen d’un Royaume qui n’est pas en concurrence terrestre avec les pouvoirs temporels. En fait, l’histoire montre des relations parfois bonnes, souvent conflictuelles entre les Etats et la papauté. En France, cette histoire va de Pépin le Bref à Charles X, en passant par Napoléon pour arriver à nos sociétés sécularisées. Les questions de pouvoirs ont remplacé celles de la filiation divine et de la fraternité universelle. Notre pape François demande aux chrétiens de revenir à l’essentiel : aimer Dieu et aimer son prochain. Voilà toute la Loi ! En ce dimanche des missions, le rappel tombe bien !
Conclusion : Une idée : « Tu donnes à César une monnaie et à Dieu ta propre personne » (St Augustin).
Une image : la pièce de monnaie avec l’effigie de César et la devise : « Pontifex maximus » ; la liberté des enfants de Dieu : avec Jésus, nous pouvons « échapper au filet de l’oiseleur » (Psaume 123), en rétablissant la hiérarchie des valeurs dans notre vie.
Frère Antoine
Source : http://www.abbaye-tamie.com/la_communaute/la_liturgie/homelies_tamie/homelies-2014/homelie-to-29/vue
1 commentaire
Pour Jésus, une once d’humilité a plus de poids que dix tonnes de vanité. Pourquoi perdre tant de temps à chercher sa popularité. Merci pour ce beau témoignage des âmes consacrées à Dieu dans le monde ou dans la vie religieuse.