Actes 1, 15… 26
Psaume 102
1 Jean 4, 11-16
Jean 17, 11b-19
Deux textes écrits par Jean l’Evangéliste et qui me touchent toujours beaucoup, même s’ils sont un peu compliqués, difficiles à lire pour qui n’en a pas l’habitude.
Saint Jean que l’on dit à la fin de sa vie « trop cassé, trop vieux » et dont le leitmotiv incessant était « aimez-vous les uns les autres ». Comme les fidèles se lassaient parfois de cette répétition, il répondait « c’est le commandement du Seigneur, et si seulement il est observé, cela suffit ». Et c’est aussi un peu le leitmotiv des lectures de ce jour.
Une petite histoire tirée de l’un des romans d’Antoine de Saint-Exupéry ( qui avait écrit la merveilleuse histoire du Petit Prince) va nous permettre d’éclairer ces textes.
C’est la guerre d’Espagne et St Exupéry assiste sans le savoir durant la nuit à un embarquement de matériel secret ; les miliciens anarchistes le surprennent, lui mettent le fusil contre le ventre, le conduisent dans un sous sol transformé en poste de garde et après l’avoir interrogé le laissent dans un coin, sans aucun mot. Tout devenait très lourd. Il voit un de ses geôliers fumer une cigarette et se hasarde à lui en demander une, tout en ébauchant un sourire…et voit alors son geôlier ébaucher à son tour un début de sourire, puis lui tendre une cigarette… Alors, il pose délicatement la main sur son épaule pour le remercier ; et ce geste provoque le sourire des autres geôliers : la glace est rompue.
Pourquoi ce long récit, me direz-vous ?
D’abord parce qu’il éclaire d’un jour nouveau cette parole que Dieu demeure en nous et nous fait porter un fruit : celui de l’amour. Mais, comme dans un camp de concentration où l’on avait pendu un jeune enfant et où certains disaient « mais où est Dieu ? », je suis sûr que Dieu était présent au cœur de chacun de ces hommes lorsqu’a eu lieu cette scène. Dieu travaille le fond des cœurs pour y faire passer son amour. « Dieu était là et je ne le savais pas » dit un psaume.
Et pas n’importe quel amour. Non, un amour bien concret. Regardez comment Jésus se comporte tout au long de l’Evangile. Il ne cesse d’arpenter son monde et d’établir des contacts nouveaux ; et, à son tour, il envoie ses disciples dans le monde. Ses disciples ne sont pas « du monde » (ils n’en ont vraiment pas les habitudes !) mais ils sont dans le monde. Il y a un très vieux texte appelé «épitre à Diognète », qui date du tout début du christianisme et qui répond à un juif qui ne s’explique pas les comportements des chrétiens de son époque. « Quel est ce grand amour que les chrétiens ont pour les autres ? D’où leur vient leur dédain unanime pour le monde ? Ils aiment tous les hommes et tous les persécutent ». Aimer les autres doit être comme une manière d’être habituelle pour les chrétiens et que les autres doivent sentir .Et leur manière d’aimer tous les hommes est d’établir une relation entre eux. Tout comme les 3 personnes de la Trinité sont en relation, et c’est ainsi qu’ils se communiquent et nous communiquent la vie et l’amour.
De plus cet amour doit procurer la joie. Repensez à notre histoire du début. Ce don d’une simple cigarette est en soi, dans ces circonstances, une marque d’amour, de fraternité, de compassion. Et il finit par provoquer ces sourires, ébauches de la joie ; mais aussi retour à la vie qui semblait presque perdue.
La joie : elle est un des signes les plus sûrs de la présence de l’Esprit-Saint dans nos cœurs. Non pas la joie mondaine (« ils ne sont pas du monde »), qui est éphémère et souvent suivie de tristesse. Non plus la joie forcée comme ces sourires forcés qui se crispent dès que l’on a le dos tourné.
Non, mais une joie de pouvoir communiquer, échanger, d’entrer en relation. L’Esprit-Saint est un peu la pointe par laquelle Dieu pénètre dans le monde. Il est aussi le « suppléant », celui qui nous amène à faire ce dont nous ne sentions pas capables, grâce aux dons qu’il nous communique.
Je terminerai en vous disant combien, parfois, nous prenons du recul avec ce que nous avons vécu et dont nous ne sentions pas capables. Et si l’Esprit-Saint y était pour quelque chose, lui qui s’invite si souvent dans nos vies à notre insu ! Car l’Esprit Saint est justement celui qui fonde la relation, et la relation sur une base de l’amour. Alors, préparons nous à l’accueillir !
Frère Patrice
Source : http://www.abbaye-tamie.com/la_communaute/la_liturgie/homelies_tamie/homelie-paques-7/vue