« Viens, Esprit Saint, hôte silencieux de l’âme ! ».
C’est de cette manière qu’une belle hymne très ancienne de l’Eglise latine invoque l’Esprit Saint.
Hôte silencieux de l’âme.
Nous pouvons dire que nous sommes bien conscients d’avoir une « âme », n’est-ce pas ? Une intériorité, une personnalité ; le « moi » qui me caractérise ; appelons-le comme nous voulons. En chrétiens que nous sommes, nous croyons que cette individualité est une « étincelle » divine. Et l’Esprit serait, est cet hôte mystérieux qui féconde notre âme.
C’est bien en ce jour, surtout, que nous voulons en prendre conscience – un peu mieux – et remercier Dieu que cette âme soit habitée par l’Esprit.
Ce n’est pas une petite chose cette prise de conscience !
Mais essayons d’aller un peu plus en profondeur pour en comprendre davantage la signification et la portée.
La Pentecôte est une fête qui a son origine dans la tradition juive, dans l’histoire juive. On sait que, déjà dans l’ancienne alliance, 5o jours après la fête de la Pâque, les croyants venaient à Jérusalem pour remercier Dieu de tous ses dons. Comme cet univers-là était rural, c’était d’abord pour les dons des premières moissons, de la terre, de cette merveilleuse (et mystérieuse) fécondité qui nous enveloppe et que, malheureusement, nous non plus ne savons pas toujours apprécier à sa juste valeur (distraits et désabusés que nous sommes !).
Ensuite, dans une évolution successive, les juifs arrivèrent à célébrer dans cette fête le don de la LOI, de la TORAH qui est perçue, elle, comme le signe tangible de l’alliance de Dieu avec son peuple. C’est bien pour cette raison que nous, moines de Tamié, reprenons, aujourd’hui, dans chacun de nos offices, le Ps 118, qui est une longue méditation sur la Torah.
Une première question (pour nous, ici, ce matin) : est-ce que nous savons remercier Dieu pour tous ses dons ? Pour cette terre que nous habitons, pour la beauté, la fécondité qui nous entoure…
Et puis (un pas de plus) savons-nous remercier pour l’Alliance avec Dieu ? En mesurons-nous le prix, la valeur de ce dialogue toujours ouvert, toujours possible avec lui ? Un dialogue qui est le contraire de l’enfermement, de l’esprit de solitude et de peur que beaucoup de gens connaissent et subissent?
Quelle chance pour les croyants de pouvoir être en dialogue avec Dieu ! D’avoir ce lien intime et privilégié avec lui, de pouvoir l’appeler, le prier ! C’est grâce à l’Esprit que cela est possible.
Aujourd’hui, Pentecôte, nous sommes aussi invités à reconnaître l’Esprit agissant dans l’Eglise. Dans le CREDO, tout à l’heure, nous proclamerons (nous chanterons, même !) : « je crois en l’Esprit Saint qui est Seigneur et donne la vie… ».
Hôte discret et secret il habite non seulement notre intimité, mais aussi nos rencontres, nos efforts de réconciliations, notre volonté de construire ensemble ; il est le lien personnel qui rend possible notre entente, la vie même que pressentent ceux qui s’aiment, ceux qui cherchent la liberté, ceux qui offrent aux autres ce qu’ils ont de plus cher.
Je me dis que, souvent, nous nommons sa présence sans y faire attention, de manière presque inconsciente : quand nous disons à quelqu’un : « nous restons unis par l’esprit ». Nous voulons, par là, évoquer un lien fort ; mais que voulons-nous signifier, par ces mots ? Et si l’Esprit Saint était vraiment au coeur de nos ententes, de nos dépassements, de nos désirs de réconciliation, de nos pardons soufferts mais libérateurs… ? Jésus nous parle de cet Esprit de Vérité qui est capable de nous faire vivre, de nous faire revivre.
L’Esprit de Dieu est unité, il est lien, mais il est aussi respect de la diversité, de l’altérité ; il nous prédispose ainsi à l’accueil de l’autre, du différent. Il fait de l’accueil de l’autre une richesse pour moi. Ce n’est pas pour rien que l’Esprit Saint est appelé aussi Amour. Amour entre le Père et le Fils.
Permettez-moi de reprendre, pour conclure, une image de St. Basile le Grand, un père grec (cappadocien) du IV siècle, qui compare l’Esprit à l’eau dans un potager. L’eau féconde et fait croître tous les plantes du jardin : les carottes, les oignons, les courges, le thym les lys et les rosiers… Mais tous ces légumes et ces fleurs croissent selon leur espèce. Tel est l’Esprit par rapport à nous.
Croyons-nous que l’Esprit habite nos coeurs ? Alors prenons un moment de silence pour faire attention à lui et lui parler.
Dom Ginepro, Père Abbé
Source : http://www.abbaye-tamie.com/la_communaute/la_liturgie/homelies_tamie/homelie-pentecote/vue