Quand j’étais jeune enfant, à l’âge bienheureux où toute parole entendue est acceptée comme vraie (d’ailleurs, il n’y a pas de raison que ce ne soit pas toujours ainsi), j’étais très étonné d’entendre les différents prédicateurs (que l’on appelait Extraordinaires, c’est-à-dire ceux que notre curé invitait dans notre paroisse pour les grandes fêtes) dire, l’un après l’autre à peu près ceci : « La solennité que l’on est en train de célébrer est, dans un certain sens, disaient-ils, la plus grande de l’année liturgique ».
Dans cette étrange logique (discutable), l’Ascension était encore plus grande que Pâques, et dix jours après, la Pentecôte plus grande encore et plus importante que l’Ascension. Et la Trinité, qui suivait, encore plus solennelle que toutes les fêtes précédentes. Et ainsi de suite…
Toujours plus, tout comme les hommes politiques (pas tous, d’ailleurs) voudraient que ce soit pour la croissance économique d’un pays.
Et moi, enfant, j’étais (justement) désemparé ; je me disais : « Mais, ici, ça n’en finit plus… qui croire, alors ? » Il ne faut pas troubler, fausser, la logique innocente des enfants !
J’ai enfin compris, en grandissant, que cela n’était qu’un artifice oratoire de nos prédicateurs en manque d’inspiration ; ils voulaient seulement épater leur public. Nous, en l’occurrence.
En réalité, nous célébrons (je crois) un seul et unique mystère, le mystère de notre salut, le mystère de la miséricorde de Dieu à notre égard, celui que nous proclamons dans notre profession de foi. Il s’agit du mystère de Dieu qui s’exprime, de manière différente, et que la liturgie nous présente (nous fait revivre) de manière diversifiée.
C’est notre Dieu et Créateur qui, par amour, dans une logique d’alliance, se révèle, se fait homme en Jésus, le Christ qui passe par la souffrance, la mort, avant d’être ressuscité par Dieu le Père.
Et voilà que, aujourd’hui, Jésus, dans cet unique et grand mystère, Jésus Ressuscité, annonce aux siens qu’il faut qu’il disparaisse à leurs yeux en tant que personne, j’entends en tant que personne identifiable, pour être avec eux, par un autre genre de présence : «Je vais vous envoyer l’Esprit Saint, dit-il, pour être avec vous et pour que vous soyez mes témoins ».
On dirait que pour que la mission de l’Église puisse prendre forme, s’articuler, s’expliciter, le Ressuscité doit, doit s’en aller (comme lui-même le dit) pour qu’il puisse envoyer l’Esprit Saint.
Et voilà que, pour signifier cette sortie du monde, pour l’exprimer, l’image qui nous est présentée est celle de l’Ascension. C’est ainsi que Jésus se dérobe aux yeux de ses amis, de son Église. Le texte parle de nuée, d’élévation, de ciel où le Christ s’assoit à la droite de Dieu. Un peu comme dire : « C’est à vous, maintenant ! ». C’est à nous, maintenant !
Mais, bien sûr, il ne les laisse pas orphelins, il ne nous laisse pas seuls. C’est, d’ailleurs ce que fait tout bon père qui veut que ses enfants s’émancipent, et donc il leur dit : « C’est à vous, à partir de ce moment… » Mais il ajoute, aussi : « Rassurez-vous, je ne vous abandonnerai pas ! ». « Si quelqu’un m’aime, il observera ma parole et mon Père l’aimera, nous viendrons à lui et nous établirons chez lui notre demeure ». Donc, il n’est pas vraiment parti. Il agit toujours en nous. Non : il n’est pas vraiment parti.
Jésus donne aux siens des « signes » qu’il sera avec eux. Le texte de l’évangile nous dit en effet que le Seigneur travaillait avec eux et, justement, confirmait la Parole annoncée par des signes qui l’accompagnaient. Donc, tout en étant avec le Père, il est aussi avec les siens, avec nous. Il est toujours avec nous.
Nous avons, aussi, la promesse de sa part qu’il reviendra de la même manière.
Forts de cette investiture, de cette confiance qui leur a été donnée, forts des signes qui vont les accompagner, les disciples s’en vont partout proclamer la Bonne Nouvelle, l’Évangile.
Voici notre tâche, notre travail depuis l’Ascension du Seigneur. Lui il est devenu invisible parce qu’il est intérieur, il est en nous, par son Esprit.
Ce qui est visible c’est : le prochain, le frère.
Dom Ginepro
3 commentaires
Par le blog de Thierry Bizot, j’ai fait votre connaissance et viens de finir de lire votre livre… avec les larmes aux yeux et en remerciant le ciel de n’avoir pas votre extrême sensibilité et votre mysticisme très particulier. En tout cas bravo et merci. Je lirai, le plus souvent possible, vos écrits, comme je lis régulièrement le blog de Thierry ; merci à St Internet !
Et merci à vous Madame, ce mot me touche beaucoup ! Au plaisir de vous retrouver ici !
Quelle belle homélie !
Si elles étaient toutes comme celle-là !
Je n’ ai pas à me plaindre. Ma plus jeune fille st venue me chercher, hier matin, pour m’ emmener à la messe dans son église de Vaucresson, avec mon gendre et ma petite fille ( 15 ans) qui va recevoir le Sacrement de Confirmation le 3 juin, fête de la Sainte Trinité.Nous avons eu une belle homélie aussi, un peu semblable, mais, à mon avis, un peu trop intellectuelle.
Bien à vous.
André..