Genèse 2, 18-24
Psaume 127
Hébreux 2, 9-11
Marc 10, 2-16
« Que désirez-vous ? » Depuis deux jours, cette question résonne à l’oreille de beaucoup de chrétiens venus à Strasbourg participer aux États généraux du christianisme.
Que désirez-vous ? Qu’espérez-vous ? Qu’est-ce qui vous fait vivre ? De telles questions nous conduisent à l’essentiel de nos existences, élargissant notre horizon si longtemps barré par les difficultés sociales et les questions morales d’aujourd’hui.
Comment vivre ensemble, entre nous et avec Dieu, comment bien travailler, être en bonne santé, comment bien éduquer, bien consommer, bien gouverner… Les questions sont nombreuses et variées. Certes, elles peuvent être de l’ordre de l’avoir, ou de l’ordre du faire, mais toujours, elles finissent par entrer dans l’ordre de l’être : comment donc être heureux ?
Cette question d’aujourd’hui est de chaque génération. Saint Augustin la posait déjà au 4e siècle : « Je le sais, mes frères, vous voulez tous vivre heureux. Mais qu’est-ce qui fait le bonheur de l’homme ? Tu cherches l’or… mais l’or ne rend pas heureux. Pourquoi veux-tu, en ce monde, une position élevée ? Mais ni l’estime des hommes, ni les fastes du monde, ne te rendront heureux… Si tu veux, je vais te montrer comment être heureux : le Christ est venu vers nos misères… Il nous dit : “Je vous invite à l’amitié de Dieu, à un repos éternel, à mon amitié fraternelle… Je vous invite à moi-même, à ma propre vie”. » Dans l’Évangile d’aujourd’hui, les interlocuteurs de Jésus ne semblaient pas partager pareille bienveillante recherche. Ils abordent Jésus, non pas pour réfléchir avec lui mais, nous dit saint Marc, pour le mettre à l’épreuve : « Est-il permis à un homme de renvoyer sa femme ? », et d’invoquer la loi de Moïse à l’appui ? Déjouant leurs manœuvres, le Christ les fait taire : « C’est en raison de la dureté de vos cœurs qu’il a formulé pour vous cette règle. » Mais au commencement, Dieu a voulu le bonheur de l’homme et de la femme, et leur unité profonde de chair et d’esprit. « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! »
En rappelant l’intention première de Dieu créant l’homme par amour, homme et femme appelés à s’unir, le Christ écarte le piège juridique et ramène à l’essentiel : il condamne toute domination de l’un sur l’autre et toute dureté de cœur. Il rappelle l’unité et la fidélité.
« Que désirez-vous ? », aurait pu dire Jésus à ces querelleurs : l’observation stricte et supposée parfaite de la loi ? Quittez donc la dureté de vos cœurs de pierre et laissez enfin battre vos cœurs de chair… Observez la loi, mais jamais au détriment des faibles et des petits. Seule, l’humilité de l’amour donnera sens à vos vies ! Apercevant les enfants qu’on lui présente, Jésus accueille et déclare : « Regardez ces petits enfants. Laissez-les venir à moi, ne les empêchez pas, car c’est à leurs pareils qu’appartient le Royaume de Dieu. »
Au moment où tant d’hommes et de femmes cherchent comment être heureux et comment bien aimer, alors que s’ouvre l’important Synode sur la famille, le Christ nous rejoint et nous rappelle, et la loi et la façon de la vivre, avec amour et fidélité, et aussi avec patience, miséricorde et souci des plus faibles. Au milieu de nos certitudes d’adultes, le Christ place des enfants, en attente d’être protégés et aimés. C’est la simplicité de leur cœur et la droiture de leur foi qui leur ouvrent les portes du Royaume de Dieu… Jésus, conclut l’évangéliste Marc, embrassa les enfants et les bénit en leur imposant les mains.
Quel bouleversement dans le rapport des forces, quelle désarmante innocence, quelle lumineuse direction pour avancer vers le bonheur ! N’est-ce pas ce qu’avait compris le petit pauvre, saint François d’Assise, que nous fêtons aujourd’hui ?
Méditant sur sa vie, Georges Bernanos s’étonnait : « Certes, ma vie est déjà pleine de morts. Mais le plus mort des morts est le petit garçon que je fus. Et pourtant, l’heure venue, c’est lui qui reprendra sa place à la tête de ma vie, rassemblera mes pauvres années jusqu’à la dernière, et comme un jeune chef ses vétérans, ralliant la troupe en désordre, entrera le premier dans la maison du Père ! »
Sœurs et frères, quel souffle d’espérance ! Quelle jeunesse de cœur ! Avançons !
Monseigneur Jean-Pierre Grallet, Archevêque de Strasbourg, Paroisse Saint Vincent de Paul
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