Jésus disait encore cette parabole :
« Quelqu’un avait un figuier planté dans sa vigne.
Il vint chercher du fruit sur ce figuier,
et n’en trouva pas.
Il dit alors à son vigneron :
“Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier,
et je n’en trouve pas.
Coupe-le. À quoi bon le laisser épuiser le sol ?”
Mais le vigneron lui répondit :
“Maître, laisse-le encore cette année,
le temps que je bêche autour
pour y mettre du fumier.
Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir.
Sinon, tu le couperas.” »
Luc 13, 6-9
Textes liturgiques©AELF
Cet évangile, il y a quelques années, je l’ai médité profondément et dans la souffrance. Ceux qui ont lu mon témoignage comprendront peut-être le rapprochement que j’en faisais avec un prêtre de ma famille. Un figuier désespérément sans fruits, faisant perdre à l’Eglise des fidèles plutôt que d’en attirer vers elle. J’en souffrais terriblement, tentée parfois de tourner la page et de prendre un recul auto-protecteur, mais j’étais dans l’impossibilité spirituelle et morale de le faire, ce prêtre-là m’ayant donné lui-même le baptême.
Alors j’ai bêché et bêché encore cette terre ingrate, ne manquant pas une occasion de l’arroser de prières et de petits mots envoyés de partout où j’allais.
Un jour, le figuier stérile s’est effondré dans une douloureuse dépression, que j’ai été à peu près la seule à comprendre dans son entourage. Une discussion profonde, comme jamais nous n’en avions eue. Il allait si mal que j’en aurais pleuré avec lui. Encore des prières et encore des marques d’attention et d’affection.
Les dépressions, ça prend du temps, et ça demande l’humilité de s’en remettre à ceux qui les soignent. Baisser la garde et s’abandonner au pouvoir des molécules, creuser en soi pour trouver des raisons de continuer à vivre.
Et puis ce figuier s’est mis à ne plus épuiser le sol autour de lui. Il a repris quelque vigueur, et s’est penché avec plus d’attention sur son entourage. Quelques gestes de générosité et d’ouverture que nous n’aurions jamais soupçonnés.
Et lui, de santé si fragile et qui ne sort pratiquement jamais de sa maison, il a accepté de faire une longue route à la Pentecôte pour se joindre à notre fête familiale, et avec tous, il a entonné “La ballade des gens heureux”.
Image : Jésus et le figuier stérile Enluminure d’un manuscrit arabe, Égypte, vers 1684 Évangiles, Ms. W. 592, fol. 58a (photo : The Digital Walters)