Les textes liturgiques d’aujourd’hui nous parlent de la venue d’Elie (Malachie 3, 1-4. 23-24) et de la venue de Jean-Baptiste (Luc 1, 57-66) pour annoncer celle du Messie, le Christ Jésus. Ce sont des parallèles bibliques très pertinents. Dieu est cohérent et donne bien des signes quand il veut nous amener à écouter quelqu’un comme sa Parole même.
Mais le Dieu que j’aime et auquel je crois, qui est miséricorde mais aussi justice infinie nous laisse ce témoignage dans les toutes premières lignes de la Genèse : “Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme” (Genèse 1, 27)
Or, dans toutes les histoires magnifiques du Premier Testament et dans le fondement même de l’Evangile, il est toujours question, quand il s’agit de bénir un couple préalablement stérile ou non, de la naissance d’un fils. On pourrait dresser des listes infinies : Isaac, Jacob et Esaü, les douze fils de Jacob, Moïse, Josué, Samson, Samuel, David, Salomon, et toute la généalogie de Jésus, dans laquelle ne sont mentionnées que quatre femmes hormis Marie, et encore le sont-elles quand il s’agit d’unions irrégulières.
Je me suis toujours demandé si les hommes avaient une quelconque conscience de ce que nous pouvons ressentir, nous femmes, à ces récits dans lesquels nos semblables n’ont droit à une mention que pour leur maternité ou le fait d’être sœur de…, quand ce n’est pas carrément parce qu’elles sont prostituées. De nos jours, l’Eglise n’est pas, et loin de là, libérée de ce discours, puisqu’elle a même été capable au fil des siècles de faire d’un des personnages les plus purs de tout l’Evangile, Marie de Béthanie, la sœur de Marthe et Lazare, une prostituée repentie. C’est un peu comme si quelqu’un avançait aujourd’hui que sainte Thérèse de Lisieux aurait été prostituée à ses heures. Cette phrase vous choque ? Le dire de Marie de Béthanie me choque tout autant.
Mes indignations ne sont absolument pas dirigées contre Dieu. En Lui, j’ai toute confiance. Je sais qu’il est infiniment juste. C’est du côté des hommes rédacteurs des textes sacrés, et des théologiens, qu’il faut chercher le glissement de sens. Considérer toujours la naissance d’un fils comme une bénédiction, et celle d’une fille comme un aléa de la fécondité ! J’en ris un peu intérieurement, parce que j’écoute depuis toujours mes sœurs en humanité, et je sais leur peine et leur déception quand elles accouchent d’un troisième garçon. Des années pénibles en perspective, et pour longtemps… Je peux aussi témoigner le plus simplement du monde de mon expérience d’enseignante : les années les plus difficiles sont celles où les classes sont majoritaires en garçons, moins à l’écoute, moins appliqués, moins travailleurs, plus bavards – mais si !
Pour en revenir à l’objet de ce billet, plus sérieusement, je ne crois pas du tout achevée une Révélation divine aussi androcentrique que celle que nous connaissons, où les hommes auraient tout à nous apprendre sur Dieu, et où les femmes seraient réduites à des utérus muets, exception faite de Marie de Magdala, “l’Apôtre des apôtres” et de la Mère de Jésus dans son Magnificat. L’Apôtre Paul a tenté de nous réduire au silence : peut-être a-t-il fallu quelque 2000 ans, et quelques grandes mystiques au passage, pour que nous osions une parole sur Dieu.
Et quant à Elie et Jean-Baptiste qui annoncent le Messie, je pense qu’une nouvelle page a été tournée le jour où la petite fille juive Annaëlle Chimoni, dont j’ai déjà parlé ici – décédée depuis – a publié en 2000 son “Livre d’Annaëlle” aux Editions du Rocher que je ne cesserai de recommander à la lecture au contraire de toutes les fausses prophétesses contemporaines qui sont exaltées par exemple dans les “Editions du Parvis” et dans la nébuleuse Medjugorje.
Image : Le Paysage bleu Marc Chagall 1949