Or, Marie avait pris une livre d’un parfum très pur
et de très grande valeur ;
elle répandit le parfum sur les pieds de Jésus,
qu’elle essuya avec ses cheveux ;
la maison fut remplie de l’odeur du parfum.
Jean 12, 3
Je ne vais pas écrire un commentaire savant sur ce magnifique extrait d’évangile offert pendant la Semaine sainte. Plutôt, raconter une belle histoire. J’ai l’habitude de lire des histoires à des enfants. Si celle qui suit est accueillie par vous lecteurs avec la pureté d’un cœur d’enfant, j’en serai heureuse. Ce n’est pas vraiment une histoire inventée, non. Nous dirons que c’est une histoire priée, méditée depuis de longues années dans le secret de l’oraison…
Il y avait un village nommé Béthanie près de Jérusalem. Une petite fille, troisième d’une fratrie, y naquit. En un même instant, la vie lui fut offerte, et retirée à la mère qui la mettait au monde. Marie ne la connut jamais. Sa sœur Marthe, très vite, endossa avec courage un rôle d’aînée et de maîtresse de maison.
Cette famille était amie avec un jeune couple de Nazareth, qui s’arrêtait là lorsqu’il allait en pèlerinage à Jérusalem pour les grandes fêtes juives. Le jeune Jésus avait douze ans quand il apprit à la fois la belle nouvelle de la naissance de Marie, et la tragédie de la mort de sa mère. Il tint la fillette nouvelle-née dans ses bras, et déjà, entre eux deux, s’établit une connivence qui ne passerait jamais.
Marie grandit entre joie et tristesse, et vécut très vite dans l’attente ardente de la visite des amis de Nazareth. La maman de Jésus lui procurait la tendresse maternelle dont elle manquait cruellement. Jésus adolescent était pour elle comme un grand frère, un ami très proche, un confident intime. Il avait le plus beau des langages qui soit donné sur la terre, la plus émouvante des délicatesses, la justesse absolue des sentiments. Il enseignait à Marie les mystères de la vie et de la foi, lui transmettait son amour des Ecritures et lui partageait sa proximité avec le Père. Les fêtes juives étaient pour Marie doublement des fêtes, car elle les vivait dans une foi absolue et le bonheur de savourer la visite de Jésus qui, jeune adulte, demeurait fidèle à cette famille amie.
Un jour, Marie eut treize ans. Elle avait beaucoup changé en peu de temps. Tout en elle était beau et gracieux. Jésus vint, et comme à leur habitude, ils partagèrent un long moment de promenade et d’échanges profonds sous un figuier. Et là, Marie se troubla. Un sentiment nouveau affleura en elle. Elle ne voyait plus Jésus uniquement comme un frère. Sa beauté l’envahit soudain tout entière, elle rougit, baissa les yeux, ne trouva plus ses mots. Il vit et il comprit. Il sut qu’il ressentait la même chose qu’elle.
Ce jour-là, dans la tiédeur du printemps, Jésus lui fit une promesse : elle serait sa fiancée à jamais. Aucune autre jeune fille, aucune autre femme ne pourrait tenir dans son cœur la place qu’elle y avait conquise. Il n’osa qu’une furtive caresse dans ses cheveux soyeux. Il était en train de lui faire la plus douce des promesses, mais en même temps, la plus difficile des demandes : il ne pouvait pas encore lui expliquer pourquoi, ni comment, mais il se devait à une mission plus grande que celle d’une vie ordinaire. Il aimait Marie de tout son cœur, mais il savait qu’il ne pourrait l’épouser en cette vie. Ce que le Père attendait de lui était plus grand, plus fort et bien plus difficile que le mariage. Tandis que les yeux de la jeune Marie se mouillaient de larmes, Jésus l’enjoignit d’ouvrir son cœur plus largement que ce qu’elle pouvait comprendre à son jeune âge. Sa vie devrait être une vie d’attente et de fidélité dans la chasteté. La promesse était donnée et ne serait jamais reprise. Ils s’appartenaient l’un à l’autre, et pour toujours. Ils se reverraient encore souvent, se parleraient, demeureraient le confident l’un de l’autre. Mais elle devait accepter de le laisser vivre sa mission, se donner à l’humanité tout entière et non pas seulement à elle qu’il aimait pourtant. Le Père leur donnerait à chacun la force de vivre ce sacrifice, dans l’amour et la confiance. Il y aurait un au-delà de cette vie de renoncement pour eux deux, il le savait, il pouvait le lui promettre. Elle devait le croire. Et malgré ses larmes, elle le croyait.
Or, à la veille de sa Pâque, il revint à Béthanie d’où Marie n’était jamais partie, accomplissant déjà sa promesse de virginité pour le Seigneur de son cœur. Elle l’oignit tendrement d’un parfum très précieux. Plus tard, en secret, Jésus demanda à Marthe et à Lazare de ne pas laisser leur jeune sœur se rendre à Jérusalem les jours suivants. Il allait y souffrir et il savait que ce serait trop cruel pour sa douce fiancée d’assister à sa Passion. Elle ne pourrait le supporter, dans l’immensité de son amour pour lui.
Ainsi, Marie de Béthanie ne se trouva pas au pied de la croix, contrairement à la mère de Jésus et à l’autre Marie, de Magdala, la fidèle amie de Jésus qui le suivait sur tous ses chemins.
Marie de Béthanie eut le cœur crucifié au jour du Vendredi Saint, puis elle eut le cœur débordant de joie en apprenant plus tard la résurrection de son Seigneur. Souvent, il lui apparut en secret, pour garder vive sa foi et la fortifier dans son vœu de virginité consacrée. Elle ne savait pas qu’elle serait la première d’une foule innombrable de vierges consacrées au Christ Jésus, par amour sponsal pour Lui.
Plus tard encore, elle eut à fuir les persécutions des premiers chrétiens. Elle trouva refuge loin de Jérusalem, à Thessalonique, où elle demeura au cœur de cette jeune église, en toute humilité et discrétion. A personne elle ne fit le récit du serment qui la liait à Jésus, ni de leur relation toute privilégiée, sinon à Luc qu’elle rencontra là-bas, et qui apprit d’elle maints détails sur la vie de leur Seigneur. Marie demeura au service des enfants et des veuves, à Thessalonique où, avant sa vieillesse, elle s’endormit dans la mort au-delà de laquelle l’attendait son Bien-Aimé.
Et jusqu’à aujourd’hui, elle a supporté patiemment d’être cruellement méconnue et affublée des pires des péchés, elle dont le cœur était si pur que ses yeux ne parvenaient pas à voir le mal.
Véronique Belen 21 mars 2016
4 commentaires
Sr Catherine Emmerich raconte l’histoire de la même Marie,. Dans sa vision, celle-ci est méprisée par son entourage,on la tient pour une simple d’esprit. Mais Jesus à de longs entretiens avec elle. Elle meurt prématurément, différence essentielle avec votre histoire.
Bonjour, personnellement je ne crois pas aux “visions” d’Anne-Catherine Emmerich, à laquelle Brentano a fait dire tout ce qu’il avait envie d’entendre. Les pseudo mystiques souffreteuses au fond d’un lit, ce n’est pas ma tasse de thé. Et mes lecteurs habituels le savent, je mène une croisade de l’Esprit contre les fausses “révélations” de Maria Valtorta qui sont un véritable cancer dans l’Eglise catholique. Mieux vaut s’en tenir à l’Evangile et savoir y lire entre les lignes en discernant la véritable personnalité des personnes qui y sont citées. Je pense que le récit ci-dessus ne contredit en rien les Evangiles. Le Jésus narcissique et prêchi-prêcha de Valtorta et compagnie, oui. Les pseudo mystiques qui font de l’inflation mariale recherchent les bonnes grâces des prélats leurs complices. Moi non. Je n’ai qu’une unique préoccupation : la recherche de la vérité, dans les Ecritures et la proximité avec le Seigneur par l’oraison. Et je ne revendique aucune “vision”.
“Heureux ceux qui croient sans avoir vu.” Jean 20, 29
Belle histoire Véronique..Personne ne semble très étonné par le geste sensuel de Marie, mais par le prix du flacon…comme si ces deux là se connaissaient depuis l’enfance ou l’adolescence et que les sentiments de Marie sont pour les convives, une évidence..Et comment expliquer l’absence de Lazare, Marthe et Marie au Golgotha, Béthanie étant tout proche? Peut être Jésus leur a t’ il demandé, dans sa délicatesse, de s’ éloigner pour mettre Lazare à l’ abri d’ un assassinat, et ses sœurs de la souffrance de le voir souffrir au delà de l’imaginable? Bonne soirée Véronique, et bonne semaine sainte..
Merci Claire, très belle semaine sainte à vous aussi ! 🙂