Le Seigneur mon Dieu m’a donné le langage des disciples, pour que je puisse, d’une parole, soutenir celui qui est épuisé. Chaque matin, il éveille, il éveille mon oreille pour qu’en disciple, j’écoute.
Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé.
J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats.
Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu ma face dure comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu.
Il est proche, Celui qui me justifie. Quelqu’un veut-il plaider contre moi ? Comparaissons ensemble! Quelqu’un veut-il m’attaquer en justice ? Qu’il s’avance vers moi !
Voilà le Seigneur mon Dieu, il prend ma défense ; qui donc me condamnera ?
Isaïe 50,4-9
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Troisième chant du serviteur, en Isaïe, que nous méditons en ce Mercredi saint.
Evidemment, le parallèle avec Jésus est saisissant, et pourtant ce texte est bien antérieur à l’incarnation du Christ. Il faudrait être d’une grande malhonnêteté intellectuelle pour ne pas voir Jésus dans ce serviteur humilié, bafoué, malmené, torturé. Je me demande même comment on peut le lire, dans la tradition juive, sans penser à celui que les chrétiens considèrent comme le messie d’Israël.
Bien sûr, ce n’est pas là l’image du messie glorieux, que certains juifs attendent encore avec raison. Car nous, contemplons-nous le Seigneur glorieux dans ce monde ? Ce monde est-il à l’image du Royaume promis par Jésus dans l’Evangile ?
Allumons notre téléviseur, pas seulement ces jours-ci mais tous les jours, et nous constaterons immédiatement que non. Le monde cruel et parfois insensé dans lequel nous vivons n’a rien à voir avec les magnifiques prophéties d’Isaïe plus loin, au chapitre 62 par exemple. Je ne rejoins pas la ligne théologique catholique quand elle prétend que toutes les Ecritures avant le Nouveau Testament sont déjà accomplies dans la résurrection du Seigneur Jésus. C’est l’événement majeur de notre foi chrétienne, certes, mais pour moi ce n’en est pas l’aboutissement absolu. Je crois de tout mon être à la résurrection de Jésus et à celle qu’il nous a promise, mais j’attends résolument la suite de la révélation. Tout n’est pas abouti. Il y a encore bien trop de larmes dans les yeux de mes contemporains, bien trop de souffrance en ce monde, bien trop, et je crois même, de plus en plus au fil des années.
Ma foi va plus loin que la résurrection du Christ, même si je sais bien qu’en cela, très peu sont prêts à me croire et à m’y suivre.
Et je ne suis pas de nature pessimiste – bien au contraire – mais plutôt, pour reprendre les mots d’un prêtre qui m’avait accompagnée un moment “d’une grande lucidité”. Je suis persuadée que cette création ne se relèvera pas de tout ce qu’elle endure, tant sur le plan humain qu’environnemental. Le mal est déchaîné et ne se calmera pas. Il va frapper encore et encore, et il est illusoire de se rassurer en se disant “N’ayons pas peur, continuons à vivre comme nous avons toujours vécu, sortons, festoyons, adonnons-nous à tous les plaisirs du monde…”
Nous sommes pleins de paradoxes : d’un côté, nous adorons trembler devant des films apocalyptiques au cinéma – et c’est toujours le même scénario : des cataclysmes effroyables, puis un sauveur de la planète qui va tout régénérer ici-bas… Et de l’autre côté, si quelques-uns et moi-même disons que nous sommes dans les temps les plus critiques décrits au Livre de l’Apocalypse, on nous rit au nez. Il faut dire que les Témoins de Jéhovah ont détourné tout le sens des Ecritures. Ils croient en la rédemption pour quelques-uns sur un paradis terrestre… qui n’adviendra jamais. Comme nous sommes excédés par leurs coups de sonnette à la porte et leurs publications qui encombrent nos boîtes aux lettres, beaucoup mettent tout dans le même panier. Parlons-nous des temps de la fin et du retour du messie glorieux, on nous suspecte d’être de leurs rangs, ou influencés par eux.
Pour moi, il n’en est rien. Je crois aux Ecritures et à la promesse du Ressuscité, je crois au Credo que je dis chaque semaine à la messe : “Il reviendra dans la gloire, pour juger les vivants et les morts, et son règne n’aura pas de fin.”
Ma différence avec la horde des soi-disant prophètes contemporains, c’est que je ne crois pas du tout que ce règne sera un règne terrestre, ici, même sur une planète renouvelée par lui.
Méditons simplement l’Exode, et les paroles données par Dieu à Moïse :
« J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances.
Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de ce pays vers un beau et vaste pays, vers un pays ruisselant de lait et de miel” Exode 3, 7-8
Et Dieu resterait sourd à l’innommable souffrance qui se vit aujourd’hui, en ce début de XXIe siècle? Dieu laisserait donc prospérer ces “Egyptiens” d’aujourd’hui, qui font exploser des bombes, tirent sur les foules, massacrent des peuples, violent, poussent des milliers de femmes, d’enfants et d’hommes à fuir des contrées minées par des guerres iniques ?
Bien au contraire, je pense qu’il entend parfaitement les cris de détresse et les appels au secours, et que son Fils se tient là, prêt à venir nous secourir.
Mais il ne le fera certes pas à la manière d’un Jésus guimauve qui étreindrait chacun indistinctement contre son cœur.
“Pour juger les vivants et les morts.”
Juger, oui, j’ose le verbe tabou !
Et si année de la miséricorde il y a, c’est pour faire retour à Dieu dans la repentance tant qu’il est encore temps !
Et ensuite viendra le nouvel exode vers la “terre nouvelle sous les cieux nouveaux”, complètement ailleurs qu’ici. Alors, comme les Hébreux, il faudra tout laisser derrière soi pour suivre le Christ hors de cette insupportable Egypte. Quant à ceux qui se cramponneront à elle par amour démesuré du monde, ou de leurs richesses, ou de leur petit pouvoir, eh bien… le monde leur sera généreusement laissé. Et quand tous les autres, qui aspirent à la terre promise de paix et de justice, seront partis derrière le Messie glorieux, ceux qui l’auront dédaigné verront bien s’ils y ont gagné un paradis terrestre… ou l’enfer auquel ils ne croient pas.