Moi, Paul, qui suis, par la volonté de Dieu, Apôtre du Christ Jésus à cause de la promesse de la vie que nous avons en Jésus Christ, je te souhaite à toi, Timothée, mon enfant bien-aimé, grâce, miséricorde et paix de la part de Dieu le Père et du Christ Jésus notre Seigneur.
Je suis plein de reconnaissance envers Dieu, que j’adore avec une conscience pure comme l’ont fait mes ancêtres ; je le prie sans cesse, nuit et jour, en me souvenant de toi. C’est pourquoi je te rappelle que tu dois réveiller en toi le don de Dieu que tu as reçu quand je t’ai imposé les mains. Car ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de raison. N’aie pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur, et n’aie pas honte de moi, qui suis en prison à cause de lui ; mais, avec la force de Dieu, prends ta part de souffrance pour l’annonce de l’Évangile.
Car Dieu nous a sauvés, et il nous a donné une vocation sainte, non pas à cause de nos propres actes, mais à cause de son projet à lui et de sa grâce. Cette grâce nous avait été donnée dans le Christ Jésus avant tous les siècles, et maintenant elle est devenue visible à nos yeux, car notre Sauveur, le Christ Jésus, s’est manifesté en détruisant la mort, et en faisant resplendir la vie et l’immortalité par l’annonce de l’Évangile, pour lequel j’ai reçu la charge de messager, d’apôtre et d’enseignant.
C’est pour cette raison que j’ai encore à souffrir ainsi ; mais je ne le regrette pas, car je sais en qui j’ai mis ma foi, et je suis sûr qu’il est assez puissant pour sauvegarder jusqu’au jour de sa venue l’Évangile dont je suis le dépositaire.
2 Timothée 1, 1 – 3 , 6 – 12
Elle était grande, la foi de Paul, quand il écrivait au jeune Timothée qu’il avait formé dans la foi au Christ : “Je suis sûr qu’il est assez puissant pour sauvegarder jusqu’au jour de sa venue l’Évangile dont je suis le dépositaire.” Quelle confiance dans le Seigneur qui l’avait “retourné comme un gant” !
Et Paul ne s’est pas trompé. Deux millénaires plus tard, l’Evangile est toujours vivant, annoncé, prêché, défendu contre vents et marées. Parole qui dérange au plus haut point, comme du temps où elle fut prononcée par Jésus. Parole que ceux-là mêmes qui se réclament de lui voudraient parfois édulcorer, parce qu’elle n’est pas toujours “politiquement correcte.” Certains dévient vers une foi mièvre, un Jésus doucereux qui mettrait tout le monde d’accord, alors que toute sa vie il a fait l’inverse : “N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive.” (Matthieu 10, 34).
Et dans la même page d’Evangile, Jésus nous dit bien que ceux qui annonceront sa Parole seront “haï de tous à cause de son nom”, et non l’inverse. (Matthieu 10, 22)
Je suis souvent étonnée que dans les critères de discernement pour reconnaître si une parole, une apparition viennent de Dieu, on privilégie essentiellement “la paix”. C’est une chose que de demeurer dans la paix intérieure quand on rencontre profondément le Seigneur dans son oraison, et une autre d’attirer une foule bienveillante autour de soi quand on annonce l’Evangile dans toute sa radicalité. Annoncer l’Evangile aujourd’hui, en bousculant au besoin les certitudes bien établies, même dans les milieux les plus croyants, n’est pas une sinécure. On attire beaucoup de haine à soi, on perd des amis… On se prend des bordées d’insultes, et il faut garder toute sa confiance dans le Seigneur en songeant qu’il est à nos côtés dans la persécution, comme il le fut toujours pour saint Paul.
Alors je me permets de poser ouvertement cette question : est-ce que “la paix” des sanctuaires non reconnus par l’Eglise est un critère de discernement positif pour une “apparition”, une “révélation mystique” ? Cette paix et ces discours à la guimauve ne sont-ils pas plutôt la marque d’une infidélité à l’Evangile dans toute son exigence dérangeante ?
Je terminerai en laissant la parole à Philippe Lefebvre, bibliste dominicain, dans une interview au magazine “Panorama” en mars 2012 :
Il y a une rencontre avec la Parole dont on ne peut faire l’économie. Il faut faire confiance, accepter de ne pas tout comprendre tout de suite, durer et demeurer avec le texte, même si cela bouscule notre petit troupeau de valeurs. D’ailleurs, j’ai souvent envie de dire aux intégristes : “Il y a trop peu de Bible dans vos propos.”
Image : Saint Paul envoie sa première épître à Timothée Bible historiale, Guiard des Moulins, XVe siècle