En ce temps-là, les Apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi ! »
Le Seigneur répondit : « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : “Déracine-toi et va te planter dans la mer”, et il vous aurait obéi.
« Lequel d’entre vous, quand son serviteur aura labouré ou gardé les bêtes, lui dira à son retour des champs : “Viens vite prendre place à table” ?
Ne lui dira-t-il pas plutôt : “Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et boive. Ensuite tu mangeras et boiras à ton tour” ?
Va-t-il être reconnaissant envers ce serviteur d’avoir exécuté ses ordres ?
De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir.” »
Luc 17,5-10
Textes liturgiques©AELF
J’aime beaucoup cette demande des disciples au Seigneur Jésus. Je l’ai faite mienne depuis des années, et je puis l’affirmer : c’est une prière qui plaît à Dieu. Quand on la dit avec persévérance, jusque dans le doute et la déréliction, Il se plaît à nous exaucer. « Augmente en nous la foi ! » et la voici qui déborde de notre être de partout !
C’est sur l’après que je m’interroge. Oh, pas par rapport au Seigneur. Lui sait toujours comment nous combler d’une infinité de grâces quand nous lui offrons celle de notre foi, qu’il recherche tant !
Ma question, ce serait plutôt : que fait l’Eglise d’une foi à déplacer les montagnes et à déraciner des arbres pour les replanter ailleurs ?
Si on est un garçon ou un homme, pas de problème : l’Eglise se précipite vers le chrétien fervent dans la recherche éperdue d’une vocation sacerdotale. Et à défaut de prêtre, on ferait bien d’untel un diacre permanent. Un homme pratiquant régulier et “bien marié” est assez facilement démarché en ce sens.
Est-on une femme, les choses sont plus floues. Il y a bien des mandats à accomplir dans les paroisses : pour la catéchèse des enfants et la réunionite, nous serons toujours les bienvenues. Et décliner de tels appels paroissiaux est très vite suspect : celle-ci va à l’église, mais uniquement pour consommer…
J’assume d’être un vilain petit canard ecclésial. C’est que j’ai tant et si bien demandé la foi au Seigneur qu’il me l’a donnée en surabondance, et avec elle, une véritable passion pour la Vérité. Alors, les cadres étriqués se craquèlent, et l’âme saisie d’honnêteté ne pourra tout simplement plus jamais confesser que l’Eglise catholique romaine possède la vérité tout entière en matière de foi et de connaissance de Dieu. L’œcuménisme devient un ardent désir. L’interrogation des dogmes et des doctrines un passage obligé.
Mais combien encombrante est pour l’Eglise une telle foi ! Et quelle omerta elle rencontre tout autour d’elle ! D’ardente croyante, on devient suspecte d’hérésie. De possible atout, on devient un fardeau gênant.
Telle est ma vie, et je ne l’assume avec paix que dans une proximité de chaque instant avec le Seigneur. Je suis reconnaissante à l’Eglise catholique de me prodiguer les sacrements auxquels je crois profondément. Mais déçue, souvent, de la voir s’acharner à maintenir au sol des arbres mauvais qu’elle aurait dû depuis longtemps s’employer à planter dans la mer.