Fils bien-aimé, devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui doit juger les vivants et les morts, je te le demande solennellement, au nom de sa manifestation et de son Règne :
proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, mais avec une grande patience et avec le souci d’instruire.
Un temps viendra où l’on ne supportera plus l’enseignement solide ; mais, au gré de leur caprice, les gens iront chercher une foule de maîtres pour calmer leur démangeaison d’entendre du nouveau.
Ils refuseront d’entendre la vérité pour se tourner vers des récits mythologiques.
Mais toi, en toute chose garde ton bon sens, supporte la souffrance, travaille à l’annonce de l’Évangile, accomplis jusqu’au bout ton ministère.
Car moi, me voici déjà offert en sacrifice, le moment de mon départ est venu.
Je me suis bien battu, j’ai tenu jusqu’au bout de la course, je suis resté fidèle.
Je n’ai plus qu’à recevoir la récompense du vainqueur : dans sa justice, le Seigneur, le juge impartial, me la remettra en ce jour-là, comme à tous ceux qui auront désiré avec amour sa manifestation dans la gloire.
2 Timothée 4, 1 – 8
Nous allons quitter Paul et Timothée dans leur échange apostolique. J’ai aimé méditer cette épître ces derniers jours.
Elle ne fait que confirmer la profonde conviction que je porte en moi. Nous sommes dans ces temps, comme cela a certainement déjà été le cas au fil de l’histoire de l’Eglise : mais, au gré de leur caprice, les gens iront chercher une foule de maîtres pour calmer leur démangeaison d’entendre du nouveau.
Paul a été pleinement investi dans sa mission d’apôtre. Il a enseigné son disciple Timothée pour qu’il prenne sa relève, comme des milliers de disciples après lui l’ont fait au fil des siècles. Mais tout en étant apôtre, Paul était aussi prophète. Et ce qu’il dit ici à Timothée est d’une grande actualité.
J’essaie, comme Jean-Paul II l’avait si joliment dit un jour, d’être, en tant que femme, “sentinelle de l’invisible”. Dans ma paroisse, on me reproche parfois de ne pas être assez “Marthe”. C’est ainsi, c’est dans mon tempérament profond, je suis bien davantage “Marie”. Et je ne pense pas que cela soit inutile. Je me mets à l’écoute du Seigneur par la méditation des Ecritures et l’oraison, et à l’écoute de l’Eglise en me concentrant beaucoup à chaque homélie que j’ai la joie de recevoir, et en lisant assidûment les échanges entre chrétiens sur les forums de discussion sur internet. Et je ne peux que constater, depuis plusieurs années, que au gré de leur caprice, les gens (vont) chercher une foule de maîtres pour calmer leur démangeaison d’entendre du nouveau.
Je suis effarée par le crédit qu’on accorde aux faux mystiques. Un forum que je ne nommerai pas, qui se prétend très sérieux – car il en existe aussi qui sont résolument plongés dans le délire – offre une plateforme de choix pour promouvoir leurs élucubrations. Bien avant que l’Eglise ait pu rendre une décision sur ces “mystiques”, on se précipite sur leurs livres fleuves et à leurs conférences. Certains vont jusqu’à aller vivre dans des communautés qu’ils créent. L’Eglise a beau émettre des réserves, quand ce n’est pas finalement une condamnation, les adeptes ne démordent plus de leur croyance en leur “prophète”. Ils voient comme un signe qu’ils s’authentifient entre eux. Ils finissent par accorder plus d’importance à leurs “locutions d’en-haut” qu’à l’Evangile.
Et pourtant, Paul ne nous avait-il pas tous prévenus à travers Timothée ? Mais toi, en toute chose garde ton bon sens, supporte la souffrance, travaille à l’annonce de l’Évangile, accomplis jusqu’au bout ton ministère.
A chaque fois que je me suis érigée contre cette crédulité, on m’a accusée de juger, de n’avoir moi-même aucun discernement, quand on ne me dit pas tout bonnement que je suis une imbécile.
Proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, mais avec une grande patience et avec le souci d’instruire, disait Paul à Timothée.
Je plaide coupable dans le sens où je n’ai pas une grande patience vis-à-vis de cet égarement que je constate jour après jour.
Mais je suis aussi amère de ne jamais être prise au sérieux, à cause de cette idée tenace qui persiste dans l’Eglise, à savoir, que seuls des ministres ordonnés peuvent avoir un charisme de discernement. Personnellement, je m’interroge quand je vois qu’il faut parfois 30 ans pour rendre une décision pourtant essentielle pour le bien de l’Eglise. Qu’elle écoute avec attention les fausses “sentinelles de l’invisible” et n’interroge jamais ceux à qui il plaît au Seigneur de donner un charisme de discernement finira par lui jouer des tours…
Image : Saint Timothée reçoit de saint Paul la première épître Bible historiale, Guiard des Moulins Paris, XIVe siècle