Le pape François, prêchant ce matin à la chapelle de la maison Sainte Marthe, a repris cette formule qu’il affectionne :
« Dieu a parlé en Jésus Christ : c’est cela la dernière parole de Dieu. »
Sur la teneur de son homélie qui nous met en garde contre la religion-spectacle et la course aux révélations qu’entreprennent certains chrétiens, je suis évidemment d’accord avec lui. Il y a tant et tant de faux prophètes qui pullulent de nos jours et qui détournent les plus crédules de la vérité intrinsèque de l’Evangile !
Mais cependant, à chaque fois que notre pape redit cette phrase que j’ai déjà lue de sa part : «Dieu a parlé en Jésus Christ : c’est cela la dernière parole de Dieu », j’ai comme un pincement au cœur.
Je sais qu’il exprime là “la foi de l’Eglise”, c’est-à-dire un article du catéchisme (article 65-66) inspiré de saint Jean de la Croix. Voir ici :
http://www.vatican.va/archive/FRA0013/__PI.HTM
Je sais aussi que l’Eglise catholique est extrêmement crispée sur cet article de catéchisme, qui fait tourner court beaucoup de discussions entre un catholique recherchant écoute et compréhension et un clerc auquel il s’adresse.
Finalement, c’est assez facile de dire et de répéter : « Dieu a parlé en Jésus Christ : c’est cela la dernière parole de Dieu », c’est aussi assez commode pour les hommes d’Eglise – aucune femme n’ayant participé à la conception de ce catéchisme, bien sûr – de se dire que Dieu a tout dit en son Fils, qui est aussi un homme, et donc que tout ce que pourra dire une femme après lui est sujet à caution et optionnel voire superflu dans la foi chrétienne.
J’aimerais élargir le débat.
Loin, très loin de moi l’idée de réfuter l’Evangile : je crois même que j’en suis plus convaincue et plus imprégnée que bien des clercs.
Mais Jésus s’est incarné il y a 2000 ans, dans une société patriarcale voire machiste, il a énormément fait pour élever les femmes à une grande dignité spirituelle et même sociale, mais lui-même a dit à ses disciples :
“J’aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous n’avez pas la force de les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière.” Jean 16, 12-13
Donc, de l’aveu même de Jésus, il n’a pas tout dit du temps de son incarnation ! Il ne pouvait pas le faire parce que son époque n’était pas prête à l’entendre, sans doute aussi parce qu’il savait très bien que la foi en sa Parole devrait faire son chemin au long des siècles de l’Eglise. Et il ne pouvait certes pas tout dire à ces hommes encore persuadés – et pour longtemps – de leur incontestable supériorité dans le genre humain.
Je ne cesserai de souligner que Dieu ne se résume pas à l’Incarnation de Jésus-Christ – messie masculin. Dieu n’est pas masculin ! Dieu est Trinité ! Il y a une troisième personne dans cette Trinité, et elle n’est pas que “circulation d’amour entre le Père et le Fils”, je me demande d’ailleurs qui peut se satisfaire d’une telle formulation !
Et si cette troisième personne est l’Esprit Saint, il est impossible de l’enfermer dans une doctrine, un catéchisme, un sacrement même, et illusoire de prétendre qu’on la possède tout entière si on a reçu par exemple le sacrement de l’Ordre ! Ce serait trop facile !
Pourquoi alors les clercs qui ont, depuis les “Pères de l’Eglise” élaboré la doctrine auraient-ils toujours le droit d’avoir le dernier mot ? Où est la place de la spiritualité féminine dans tout cela ?
On me répliquera encore et toujours : “Marie est Mère de l’Eglise”. Sauf qu’elle n’a dit que quelques phrases dans tout l’Evangile, qui ne sauraient traduire entièrement ce qu’est une femme dans le cœur de Dieu – le Père, le Fils, la Ruah, utilisons plutôt ce beau féminin hébraïque.
Je le dis depuis longtemps, la doctrine catholique est verrouillée, confisquée aux femmes par les clercs. Et même les mystiques n’ont qu’à bien se tenir, puisque leurs apports ne sont qu’accessoires et n’appartiendront jamais au “dépôt de la foi” ! C’est ce que dit l’article que j’ai mis en lien ci-dessus.
On pourra me trouver provocante, mais j’ai dans l’idée que Dieu sait très bien ce qu’Il fait : pourquoi aurait-il infligé à son Peuple élu l’humiliation durable d’avoir fait mettre à mort ses Prophètes puis son propre Fils, et épargnerait-il à l’Eglise la honte d’avoir étouffé, et parfois de manière violente, les motions de l’Esprit Saint, et tout particulièrement celles inspirées aux femmes jusqu’à nos jours? Dieu est infiniment juste. Il n’y a pas, d’un côté, son Peuple élu qu’il aurait choisi d’humilier, et de l’autre, l’Eglise de son Fils qu’il aurait choisi de glorifier envers et contre tout malgré ses infidélités, voire ses iniquités !
Je crois bien plutôt que les deux, le Peuple de la Première Alliance et l’Eglise, se retrouveront devant le juste juge couverts de honte d’avoir mis à mort le Messie et méprisé les appels incessants de l’Esprit, jusqu’au retour du Roi de Gloire.
Article sur l’homélie de Pape François à Sainte Marthe le 10 novembre 2016 :
http://www.news.va/fr/news/francois-non-a-la-religion-du-spectacle-il-faut-ga