En ce temps-là, quand Jésus apprit la mort de Jean le Baptiste, il se retira et partit en barque pour un endroit désert, à l’écart. Les foules l’apprirent et, quittant leurs villes, elles suivirent à pied.
En débarquant, il vit une grande foule de gens ; il fut saisi de compassion envers eux et guérit leurs malades.
Le soir venu, les disciples s’approchèrent et lui dirent : « L’endroit est désert et l’heure est déjà avancée. Renvoie donc la foule : qu’ils aillent dans les villages s’acheter de la nourriture ! »
Mais Jésus leur dit : « Ils n’ont pas besoin de s’en aller. Donnez-leur vous-mêmes à manger. »
Alors ils lui disent : « Nous n’avons là que cinq pains et deux poissons. »
Jésus dit : « Apportez-les-moi. »
Puis, ordonnant à la foule de s’asseoir sur l’herbe, il prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction ; il rompit les pains, il les donna aux disciples, et les disciples les donnèrent à la foule.
Ils mangèrent tous et ils furent rassasiés. On ramassa les morceaux qui restaient : cela faisait douze paniers pleins.
Ceux qui avaient mangé étaient environ cinq mille, sans compter les femmes et les enfants.
Matthieu 14,13-21
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris
De cet extrait d’évangile fondateur de la vie ecclésiale, je ne commenterai que la toute dernière phrase. Pourquoi Matthieu a-t-il trouvé bon de compter les gens de cette façon ? Certes, il écrit son évangile il y a près de 2000 ans, à une époque et dans une culture où la femme ne compte que comme reproductrice et comme servante. Mais tout de même ! Matthieu a été disciple du Christ, et fréquenter d’aussi près Jésus aurait dû lui ouvrir les yeux sur le regard nouveau et plein de respect et de considération que le Christ a porté sur toutes les femmes rencontrées dans sa vie.
Je viens d’achever de lire un ouvrage très érudit détaillant les débuts de la Genèse jusqu’à l’appel d’Abraham. Force est de constater que dans ces lignes fondatrices de plusieurs traditions religieuses, les femmes ne comptent guère, ou si peu, sinon Eve que l’on accuse encore et toujours d’être à l’origine de tous les maux du monde. Eve complaisante avec le serpent, Eve qui détourne son mari de la parole de Dieu, Eve qui enferme son fils Caïn dans une relation exclusive et déterminante dans le meurtre d’Abel… Stop ! Je n’en peux plus de ces interprétations. Eve est une femme, comme je suis une femme, ni elle, ni moi ne sommes l’Immaculée Conception, mais de là à nous prêter tant d’intentions faibles et coupables, c’en est trop.
Je respecte infiniment la Bible et je m’en nourris, mais de la Genèse jusqu’aux écrits de Paul, il est évident que les rédacteurs en sont tous des hommes, inspirés, certes, par l’Esprit Saint, mais déterminés aussi par leur masculinité. Tous ceux qui ont ensuite commenté la Bible pendant des siècles en maintenant les femmes dans l’illétrisme ont poursuivi cette œuvre de diabolisation de leurs sœurs en humanité comme s’il n’y avait rien de plus naturel. Soit elles sont causes de chute pour l’homme, soit elles ne comptent pour rien. “Sans compter les femmes et les enfants.”
Bien sûr, il y a quelques belles et grandes figures féminines dans l’Ancien Testament, mais bien peu au regard de tous les hommes que l’on glorifie à longueur de pages. Que l’on considère simplement comme est récurrente la mention des fils dans les généalogies, tandis que les filles ne sont que des compagnes et des mères potentielles, quand toutefois elles sont citées.
Je ne crois vraiment pas que cette injustice vienne de Dieu. Il n’est qu’à contempler son Fils, qui s’aigrit régulièrement contre ses disciples et n’a pas le moindre mot en défaveur d’une femme dans tous les évangiles. C’est bien ainsi que je vis le Père et le Fils : pleins d’amour et de complaisance pour nous, filles et femmes, et désireux envers et contre tout de nous délivrer de ces carcans dans lesquels les hommes – y compris, voire surtout les religieux – nous ont enfermées depuis la nuit des temps.
Je crois vraiment que nous sommes à un tournant de la Révélation divine. L’Eglise s’est tragiquement illustrée ces dernières décennies par les abominables péchés de certains de ses membres, en actes ou en indulgence coupable. Tous ces péchés sont exclusivement des péchés masculins, et d’une gravité extrême.
Alors vraiment, les théories d’Eve responsable de toutes les chutes qui pourront advenir à l’humanité ont du plomb dans l’aile. Il est grand temps de se mettre vraiment à l’école du Christ : lui, l’avocat de toute femme rencontrée dans sa vie, saura bien nous réhabiliter et nous restaurer dans notre place digne et centrale dans la Révélation divine.