Malachie 1,14-2.2,2.8-10
Psaume 130
1 Thessaloniciens 2,7-13
Matthieu 23,1-12
C’était aussi un 31ème dimanche du temps ordinaire, avec les mêmes lectures liturgiques qu’aujourd’hui. C’était, je crois, il y a dix-huit ans.
J’étais à la messe avec mon papa, et mon mari encore à cette époque, dans mon village natal. Le prêtre, vieillissant, était un ami de longue date. Son homélie fut poignante. Il exprima soudain une grande souffrance intérieure. Je me souviens de ses mots : “C’est un appel au secours que je vous lance !” Etant à cette époque dans la même disposition intérieure que lui, j’en avais été bouleversée.
Nous sommes sortis de l’église, la messe était finie. Mon père formule le vœu de nous diriger vers le cimetière. Je lui réponds aussitôt : “Mais papa, ce ne sont pas les morts qu’il faut aller voir, mais René qui ne va pas bien !”
Et mon mari et moi sommes allés au presbytère où nous avons rejoint notre ami prêtre, celui-là même qui avait apaisé le conflit dans notre famille quand nous avions décidé, après très mûre réflexion, neuf ans plus tôt, de ne nous marier qu’à la mairie.
Nous nous enquérons de sa santé, de son moral, du pourquoi de son appel à l’aide. Il change aussitôt de sujet : “Et vous, comment allez-vous ? Et les enfants ?” Et la conversation glisse vers notre situation à nous. Il va nous chauffer un café dans une petite casserole, non sans mal car son logis est un fouillis indescriptible. “Vous voyez comment je vis, ce n’est même plus digne d’un être humain”. Partie de la réponse à notre question précédente…
La lecture du Livre de Malachie m’a profondément secouée, en particulier ce passage :
Maintenant, prêtres, à vous cet avertissement :
Si vous n’écoutez pas,
si vous ne prenez pas à cœur de glorifier mon nom
– dit le Seigneur de l’univers –,
j’enverrai sur vous la malédiction,
je maudirai les bénédictions que vous prononcerez.
Je suis au bord des larmes. Pas besoin d’entrer dans mille détails avec René, il sait que mon oncle prêtre se montre très indigne de son sacerdoce, depuis longtemps, parce qu’il passe son temps à “dire”, et méchamment, et à ne rien “faire” de tel. Je supplie René de m’éclairer :
“Il a baptisé nos enfants, tu crois que ce baptême n’est pas valide, qu’au lieu d’être une bénédiction, c’est une malédiction ?”
René sourit et me rassure par la force de sa foi. Si, ces baptêmes sont valides, je n’ai pas à m’en inquiéter ! Il me fait creuser encore un peu mon malaise, en bon serviteur du Christ qu’il est. Voilà que la situation s’est totalement inversée. Nous venions pour le réconforter, et c’est lui qui nous réconforte !
Il nous donne ses petites recettes pour ne pas faillir dans la foi : “Je lis tous les jours des paroles de la petite Thérèse, ça me soutient. Et puis l’eucharistie me nourrit profondément. Et tant que je demeure en communion avec mon évêque, je me sens appartenir à l’Eglise.”
Ces mots-là, je crois que je les ai gardés profondément en moi, malgré les errances des deux années suivantes.
René était ainsi. Le prochain passait toujours avant lui-même. Et l’Evangile vécu avant tout le reste. Il n’était pas très apprécié dans sa paroisse, parce que ses homélies avaient le feu de l’engagement social.
Aujourd’hui, à relire ces textes liturgiques, je repense très fort à lui. Je l’avais revu dans sa maison de retraite, où il servait encore, bien que perdant un peu la mémoire.
René a toujours été un ami.
Il est parti il y a presque deux ans. Nul doute qu’il goûte à présent pleinement la présence de son Seigneur, et les traits d’esprit de la petite Thérèse…