Par ses paroles, David retint ses hommes. Il leur interdit de se jeter sur Saül. Alors Saül quitta la grotte et continua sa route.
David se leva, sortit de la grotte, et lui cria : « Mon seigneur le roi ! » Saül regarda derrière lui. David s’inclina jusqu’à terre et se prosterna, puis il lui cria : « Pourquoi écoutes-tu les gens qui te disent : “David te veut du mal” ?
Aujourd’hui même, tes yeux ont vu comment le Seigneur t’avait livré entre mes mains dans la grotte ; pourtant, j’ai refusé de te tuer, je t’ai épargné et j’ai dit : “Je ne porterai pas la main sur mon seigneur le roi qui a reçu l’onction du Seigneur.”
Regarde, père, regarde donc : voici dans ma main le pan de ton manteau. Puisque j’ai pu le couper, et que pourtant je ne t’ai pas tué, reconnais qu’il n’y a en moi ni méchanceté ni révolte. Je n’ai pas commis de faute contre toi, alors que toi, tu traques ma vie pour me l’enlever.
C’est le Seigneur qui sera juge entre toi et moi, c’est le Seigneur qui me vengera de toi, mais ma main ne te touchera pas !
Comme dit le vieux proverbe : “Des méchants sort la méchanceté.” C’est pourquoi ma main ne te touchera pas.
1 Samuel 24, 8-13
Je mentionne cet extrait de la liturgie du jour simplement pour relever que dans la foi, comme David, on est en droit de dire, parfois : “Je n’ai pas commis de faute contre toi.”
Je sais bien qu’il est écrit, dans la Première Lettre de Jean : “Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous égarons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous. Si nous reconnaissons nos péchés, lui qui est fidèle et juste va jusqu’à pardonner nos péchés et nous purifier de toute injustice. Si nous disons que nous sommes sans péché, nous faisons de lui un menteur, et sa parole n’est pas en nous.” (1 Jean 1, 8-10)
Ce passage marquant des Ecritures est-il la source de cette manie très chrétienne de battre sans arrêt sa coulpe ? Est-il à l’origine de cette sorte de déni ecclésial de l’innocence possible dans certaines situations ?
Nul n’est sans péché, certes. Mais il y a néanmoins des situations de la vie où on peut ne pas être un incorrigible pécheur. On peut très bien, à force d’aimer le Christ et de vouloir vivre son Evangile, veiller sur toutes ses paroles et tous ses actes. Pécher parfois en telle ou telle circonstance, par tentation ou “contagion” de l’entourage, voudrais-je dire, mais aussi vivre les vertus évangéliques du mieux que l’on peut. Je trouve morbide de devoir se scruter sans cesse à la recherche d’inévitables péchés que nous sommes censés commettre à longueur de journée, si l’on en croit par exemple la teneur de la plupart des homélies ou des examens de conscience.
On pèche toujours par omission, cela est certain.
Mais je revendique aussi une sorte de droit à la pertinence évangélique. Le droit de penser de temps en temps, au terme de sa journée : “Merci Seigneur de m’avoir aujourd’hui inspiré le juste chemin et d’être parvenu à vivre ton Evangile.”
C’est pharisien ?
Battre sa coulpe sans cesse et se proclamer sur tous les toits un grand pécheur, cela peut l’être aussi, et parfois même davantage, car l’Eglise aime applaudir le pécheur contrit… et considérer le saint comme un insupportable orgueilleux.
1 commentaire
Mon billet d’il y a une semaine me revenait en tête cet après-midi, à une veillée de prière œcuménique. Nous avons écouté le Cantique de Moïse ( Exode 15, 1-21) et Marc 5, 21-43 (la fille de Jaïre et la femme guérie par sa foi). La pasteure nous a fait un commentaire intéressant du cantique de Moïse, le mettant en parallèle avec un midrash pour relativiser le sentiment de joie de la mort des ennemis qu’il pouvait nous inspirer.
Le prêtre a ensuite donné une homélie très conventionnelle contenant tous les mots que le catholique de base entend tous les dimanches après l’Evangile. Avec, bien sûr, l’encouragement à l’introspection pour discerner en soi-même l’orgueil, l’égoïsme, le refus de l’accueil de l’autre, le manque de charité et d’esprit de service… J’avais envie de soupirer, invitée une fois de plus à me frapper la poitrine tandis que Jésus venait de proclamer “Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal.”
Je suis fatiguée des homélies catholiques qui disent tout à la fois que tous sans distinction, nous sommes d’ores et déjà sauvés et promis à la vie éternelle, et que tous sans distinction, nous avons le cœur criblé de péché. Fatiguée de me faire faire la morale, après plusieurs soirées passées à pleurer sous les coups du harcèlement moral au travail, de la part d’une personne qui est, au sens propre “sans foi ni loi.”
Certains jours, je me dis que pour cesser de culpabiliser après chaque homélie catholique, je ferais mieux d’aller au culte protestant le plus proche pour entendre une prédication au moins nourrissante spirituellement…