En ce temps-là, les disciples avaient oublié d’emporter des pains ; ils n’avaient qu’un seul pain avec eux dans la barque.
Or Jésus leur faisait cette recommandation : « Attention ! Prenez garde au levain des pharisiens et au levain d’Hérode ! »
Mais ils discutaient entre eux sur ce manque de pains.
Jésus s’en rend compte et leur dit : « Pourquoi discutez-vous sur ce manque de pains ? Vous ne saisissez pas ? Vous ne comprenez pas encore ? Vous avez le cœur endurci ?
Vous avez des yeux et vous ne voyez pas, vous avez des oreilles et vous n’entendez pas ! Vous ne vous rappelez pas ?
Quand j’ai rompu les cinq pains pour cinq mille personnes, combien avez-vous ramassé de paniers pleins de morceaux ? » Ils lui répondirent : « Douze.
– Et quand j’en ai rompu sept pour quatre mille, combien avez-vous rempli de corbeilles en ramassant les morceaux ? » Ils lui répondirent : « Sept. »
Il leur disait : « Vous ne comprenez pas encore ? »
Marc 8,14-21
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris
L’évangile de Marc n’est pas celui que je lis et médite le plus souvent, et ainsi, cet extrait donné aujourd’hui à la liturgie de l’Eglise, et que je connais mal, me frappe dans l’actualité de ma vie. Je le comprends aujourd’hui sous un éclairage particulier.
Je suis à l’âge où, entre collègues, amis ou avec la famille, la perspective de la retraite revient assez régulièrement dans les conversations. On envie un peu ceux qui y accèdent, on se demande franchement quand viendra notre tour au vu des lois qui changent sans arrêt, on s’interroge sur ce que sera notre niveau de vie à ce moment-là… J’ai depuis longtemps une anxiété diffuse : j’ai travaillé toute ma vie, mais aussi élevé trois enfants et pour leur consacrer un temps suffisant, j’ai très longtemps travaillé à temps partiel voire bénéficié de congés parentaux. Je le sais bien, quand sonnera l’heure de la retraite, le compte n’y sera pas. Et Dieu sait si mon métier est éreintant et que je ne pourrai guère dépasser la soixantaine au travail.
Voici que l’Etat met à la disposition des fonctionnaires un portail numérique qui permet de faire retour sur sa carrière et de simuler le futur montant de sa pension. Je m’y suis aventurée le cœur battant, comme si j’allais affronter le couperet qui me hante depuis tant d’années. Et voilà que mes craintes se concrétisent : je ne peux prétendre dans quelques années qu’à une pension d’environ 40 %, ce qui se traduira par un léger mieux que le SMIC, mais pas beaucoup plus. Dur à recevoir, quand on a donné toute sa vie de travail pour les enfants de la nation, et qu’en outre on lui en a offert trois, qui ne sont pas pour elle des charges, bien au contraire…
Voilà, j’ai toujours redouté, maintenant je sais. Je me sens un peu étrangère sur la planète des futurs retraités qui profiteront de leurs placements et de leur temps libre pour voyager comme bon leur semble…
Mais aujourd’hui, cet évangile. Il vient à point nommé. Souvent, c’est vrai, quand autour de moi on parle sans ménagement de revenus aisés, de placements, de rentabilité, de beaux et coûteux voyages en couple, j’ai cette parole qui me traverse l’esprit : “Insensé, cette nuit-même on va te redemander ta vie, et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ?” (Luc 12, 20) Dans leur logique, ceux-là vous répondraient qu’ils amassent aussi pour leurs enfants, et donc qu’il n’y a pas de mal.
Mais aujourd’hui, cet évangile. Je remets un peu mes idées en ordre. Ai-je connu, dans ma vie, la faim ? Non, jamais. Ni vraiment le froid. J’ai toujours eu un toit sur la tête. Et de quoi me vêtir.
De l’enfance jusqu’à aujourd’hui, non la disette, mais toujours une certaine précarité. Et je crois bien que finalement, c’est ce que Dieu veut pour moi. N’exauce-t-il pas une de mes ardentes prières ? “Ne me donne ni la richesse, ni la pauvreté.” Je lui ai adressé ce vœu, vais-je lui en vouloir de m’exaucer ?
Méditer encore et encore cet extrait d’évangile, et faire au Christ Jésus la joie de lui répondre : “Si Seigneur, j’ai compris désormais.”
Etre dans la main du Père. Ne jamais être dans l’abondance. Mais ne jamais manquer, par Lui, du minimum vital. Au moins.
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Il faut en effet savoir s’abandonner à Dieu qui fait tout pour le mieux.