Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait :
« Méfiez-vous des faux prophètes qui viennent à vous déguisés en brebis, mais au-dedans ce sont des loups voraces.
C’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. On ne cueille pas du raisin sur des épines, ni des figues sur des chardons. C’est ainsi que tout arbre bon donne de beaux fruits, et que l’arbre mauvais donne des fruits détestables. Un arbre bon ne peut pas porter des fruits détestables, ni un arbre mauvais porter de beaux fruits. Tout arbre qui ne donne pas de beaux fruits est coupé et jeté au feu. C’est donc à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. »
Matthieu 7, 15 – 20
Voilà bien une page d’Evangile fondamentale pour qui prétend exercer un travail de discernement spirituel. Mais elle rencontre malheureusement ses limites, surtout ces dernières décennies. Car les faux prophètes, bien souvent à leur corps défendant, vont rivaliser de piété, de tous les fruits visibles supposés de l’Esprit Saint (et bien souvent la bonté devient fatuité, la joie sourire béat, l’amour dégoulinement de bons sentiments, la charité s’oblige à fonder une petite oeuvre…), ils vont viser la perfection en Eglise pour impressionner les curieux qui se pressent autour d’eux et se donner des airs d’irréprochabilité quand ils seront soumis à des enquêtes de discernement.
Plus troublant, ils suscitent autour d’eux des conversions, parfois même des vocations sacerdotales. Et là l’Eglise se laisse attendrir : une vocation de prêtre n’est-elle pas forcément un fruit excellent pour l’Eglise ? Comment un mauvais arbre pourrait-il donner de tels fruits ?
Et c’est ainsi que l’on s’enlise pendant parfois trente ans dans la tergiversation et la réaction molle aux mouvements de masse vers ces faux prophètes…
Je pense pour ma part que le séducteur des origines a parfaitement identifié la faille de l’Eglise et s’est engouffré dedans. Notre siècle pèche par un grand manque de volonté de discernement dans l’Eglise, fragilisée par la désertion des paroisses et le tarissement des vocations sacerdotales. Alors, le petit reste, en proie à l’angoisse quant à la pérennité de l’Eglise terrestre, va avoir la faiblesse de reconnaître comme une chance des foyers de piété qui jaillissent ici ou là. On laisse faire, débordé très vite par l’appétit des curieux pour le merveilleux, et quand un sanctuaire s’organise, on est bien vite dépassé par l’ampleur du phénomène. Toute décision qui risque de déplaire aux adeptes porte en elle des germes de rébellion, voire de schisme.
Qui l’a emporté dans l’affaire ? Le Christ, pour quelques vocations ? Certainement pas, puisque dès le départ, elles portent la marque de la désobéissance ecclésiale et d’une dévotion qui confine à l’idolâtrie.
Non, il y a un autre grand gagnant dans l’influence des faux prophètes sur leurs contemporains, c’est celui dont le but ultime est toujours de diviser et d’endormir les consciences à la vérité de l’Evangile.
On pourra s’étourdir à prier des chapelets pendant des heures et à se gaver de messages sirupeux qui “tombent” au moins deux fois par mois.
Ce n’est pas là le fruit de la foi au Christ authentique, tel qu’il fut, qu’il est et qu’il sera, que l’on y récoltera.