Au milieu d’un long réquisitoire pour un jeûne vraiment accompagné de justice et de charité, Isaïe glisse cette belle formule :
On t’appellera : « Celui qui répare les brèches »,
« Celui qui remet en service les chemins ».
J’aborde le Carême de cette année comme un temps de récollection entre la tourmente et la joie qui m’habite toujours pour la fête de Pâques, entre toutes ma préférée. L’hiver a été long, froid, humide, gris, pénible comme certains jours de mon quotidien. Le stress professionnel à son summum pour plusieurs raisons.
Jeudi dernier, je pousse pour la première fois de ma carrière la porte de la médecine de prévention au travail. C’est ainsi, les enseignants n’y ont pas droit, sauf à avoir une requête exceptionnelle et à prendre un rendez-vous hors de leurs heures de classe.
Une personne particulièrement à l’écoute et aux mots bienfaisants me reçoit pendant une heure trente. Pouvoir me confier, enfin, à un médecin du milieu qui va comprendre et ne pas juger, ne pas douter non plus de la réalité de mon malaise et des efforts parfois surhumains que je fournis. Elle écoute, comprend, me croit et me conseille. Moi qui viens à elle avec un passif d’années de mésestime subie, elle me rassure et me restaure, par quelques phrases, dans la confiance en moi. Elle s’étonne de mon calme et de mon analyse claire de la situation. Elle admire la façon dont j’ai su faire face, toutes ces années. Elle reconnaît que j’ai eu à mener un dur combat, et m’accorde du mérite.
En quittant son cabinet, les idées se bousculent dans ma tête. Ce n’est pas si souvent qu’on raconte la moitié de sa vie en quatre-vingt-dix minutes, même les détails les plus douloureux encore au souvenir. Cette grâce de la confiance en une personne donnée au service d’un patient, je l’ai, je l’ai toujours eue je crois. Il me faut peu de temps pour capter en quelqu’un la bienveillance et la compétence. Gratitude.
Rien n’est résolu, mais plus rien n’est tu. Je ne suis plus seule dans ce chaos.
J’ai compris aussi qu’avec une histoire telle que la mienne, peu de gens s’en sortent aussi bien que moi sur le plan psychique et professionnel. Rendre grâce, encore. Car ce n’est pas là l’œuvre de ma seule volonté. Il me restaure jour après jour, “Celui qui répare les brèches.” En personne, ou par prochain interposé.
Ainsi parle le Seigneur :
Si tu fais disparaître de chez toi
le joug, le geste accusateur, la parole malfaisante,
si tu donnes à celui qui a faim ce que toi, tu désires,
et si tu combles les désirs du malheureux,
ta lumière se lèvera dans les ténèbres
et ton obscurité sera lumière de midi.
Le Seigneur sera toujours ton guide.
En plein désert, il comblera tes désirs
et te rendra vigueur.
Isaïe 58, 9-11
Textes liturgiques©AELF