Moïse disait au peuple d’Israël : « Aujourd’hui le Seigneur ton Dieu te commande de mettre en pratique ces décrets et ces ordonnances. Tu veilleras à les pratiquer de tout ton cœur et de toute ton âme.
Aujourd’hui tu as obtenu du Seigneur cette déclaration : lui sera ton Dieu ; toi, tu suivras ses chemins, tu garderas ses décrets, ses commandements et ses ordonnances, tu écouteras sa voix.
Aujourd’hui le Seigneur a obtenu de toi cette déclaration : tu seras son peuple, son domaine particulier, comme il te l’a dit, tu devras garder tous ses commandements.
Il te fera dépasser en prestige, renommée et gloire toutes les nations qu’il a faites, et tu seras un peuple consacré au Seigneur ton Dieu, comme il l’a dit.»
Deutéronome 26,16-19
Textes liturgiques©AELF
De la notion de peuple juif élu par Dieu – et qui le demeure, j’y crois – il me semble que nous sommes passés, après l’avènement de Jésus-Christ dans la chair, non pas à un peuple de chrétiens élu de façon comparable – notion qui contribue souvent à l’orgueil de l’Eglise qui s’est crue longtemps appelée au prestige – mais plutôt à un appel de personne à personne de la part de Dieu sur ceux qui veulent bien croire au Nom de son Fils – “Dieu sauve”.
Le baptême en est le signe, certes, mais vu la manière dont il est donné depuis des siècles par l’Eglise catholique en particulier – comme un dû pour certains parents d’enfants proposés au baptême, comme un “vaccin contre l’enfer” pour d’autres, comme une occasion de fête de famille encore pour d’autres – ce signe n’est de loin pas suffisant pour vivre en chrétien authentique. Et d’ailleurs nous ne pouvons que le constater, avec chagrin, dans nos paroisses : on ne revoit en général les baptisés que pour recevoir la première communion, puis ils disparaissent à nouveau jusqu’à un éventuel mariage où il se rappellent qu’ils ont déjà reçu deux sacrements et que c’est plus joli et solennel à l’église…
Bref, je ferme là cette parenthèse sur le baptême catholique qui me pose question depuis longtemps. Etre véritablement chrétien, c’est tout autre chose. C’est, comme Dieu l’attendait du peuple qu’il s’était choisi aux origines de l’alliance, “suivre ses chemins, garder ses commandements, écouter sa voix.” Cela peut concerner une assemblée réunie pour prier ensemble, écouter la Parole, la méditer et recevoir des sacrements. Mais plus encore, et j’insiste, cette attitude relève d’une réponse personnelle à un appel reçu personnellement.
Qui perçoit encore cet appel dans l’Occident d’aujourd’hui ? Je suis frappée par l’addiction au bruit de nombre de mes contemporains. Nos jeunes font leurs devoirs et leur footing avec des écouteurs sur les oreilles. La télévision s’est invitée dans les chambres à coucher et est pour beaucoup le dernier son qu’ils entendent avant de s’endormir, quand elle ne meuble pas déjà l’atmosphère familiale de toute la soirée. Quelle place pour l’écoute de la Parole de Dieu dans cette ambiance qui fuit le silence ?
La Parole de Dieu a besoin du silence.
C’est, pour qu’elle se manifeste, une condition incontournable.
C’est dans le silence que nous devons méditer les Ecritures saintes. C’est dans une très longue habitude au silence que Dieu peut se manifester et parler véritablement à l’âme. Et dans ce cas, il s’agit vraiment d’un échange seul à seul avec le Seigneur. J’ai dû lutter pendant des années contre des clercs et autres catholiques bien-pensants qui me répétaient qu’il n’était pas bon de lire et méditer seul les Ecritures. Qui, en réponse à mes confidences sur mon dialogue intime avec le Christ notamment, ne pensaient qu’à me mettre en garde contre les artifices du démon, refusant à la fois l’idée que je puisse être choisie pour recevoir des locutions intérieures et que ces paroles puissent avoir un quelconque intérêt pour l’Eglise. Les écoutilles se fermaient et j’étais renvoyée à ma solitude spirituelle ecclésiale.
Je me suis cramponnée aux promesses de Dieu , comme dans ces lignes du Deutéronome :
“Tu seras son peuple, son domaine particulier, comme il te l’a dit, tu devras garder tous ses commandements.”
Surtout, chercher à ne jamais faillir dans les commandements de l’Evangile. Rester fidèle même à l’Eglise qui me rejetait implicitement. Confesser régulièrement mes inévitables manquements.
Dieu seul – et quelques personnes saintes selon ses critères à Lui – savent mesurer l’authenticité d’une foi et la solidité d’une fidélité aux promesses reçues et données en retour.
Je n’ai plus peur aujourd’hui de me révéler dans ce que je reçois de Lui. Et quand le Seigneur me parle dans un présent qui englobe tout le passé et tout l’avenir d’éternité, je comprends de mieux en mieux ce qu’Il veut me signifier quand il me répète comme un leitmotiv depuis presque vingt ans:
“Tu sors de ta passion et tu vas vers ta gloire.”
Image : Vitrail de Jésus à Béthanie, Marie étant à l’écoute à ses pieds