Bien-aimés, souvenez-vous des paroles dites à l’avance par les Apôtres de notre Seigneur Jésus Christ.
Construisez votre vie sur votre foi très sainte, priez dans l’Esprit Saint,
gardez-vous dans l’amour de Dieu, attendant la miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ en vue de la vie éternelle.
Ceux qui sont hésitants, prenez-les en pitié ;
d’autres, sauvez-les en les arrachant au feu ; d’autres enfin, prenez-les aussi en pitié, mais avec crainte, en détestant jusqu’au vêtement souillé par leur chair.
À Celui qui peut vous préserver de la chute et vous faire tenir debout, irréprochables et pleins d’allégresse, en présence de sa gloire,
au Dieu unique, notre Sauveur, par notre Seigneur Jésus Christ, gloire, majesté, souveraineté, pouvoir, avant tous les siècles, maintenant et pour tous les siècles. Amen.
Jude 1, 17.20b-25
Textes liturgiques©AELF
Nous vivons dans des temps d’Eglise où l’on nous répète sans arrêt qu’il faut “ne pas juger”, le jugement étant réservé à Dieu. Nous sommes tenus de ne pas présager de la vie intérieure de nos proches, “dont Dieu seul connaît la foi”. Certaines homélies débordent aussi d’allusions au fait que les plus grands pécheurs sont peut-être les plus grands saints, et que, la Miséricorde de Dieu étant absolument sans limite, l’enfer serait vide, ou alors fréquenté par quelques irréductibles qui auraient dit sciemment “Non” à la vie d’éternité bienheureuse en face à face avec le Seigneur à l’heure de leur mort… Mais l’Ecriture peut-elle être abolie ? S’efforcer de rester humble dans notre approche de la foi de notre prochain, cela abolit-il toute faculté de jugement que nous pourrions avoir ?
Je suis un ancienne jociste (JOC : jeunesse ouvrière chrétienne). Nos “révisions de vie” s’axaient sur le “Voir – Juger – Agir”. Il fallait discerner, dans notre vie scolaire, universitaire ou professionnelle des situations d’injustice criante, les dénoncer et nous investir pour les corriger. En équipe, on se reprenait aussi les uns les autres sur tel ou tel point de notre vie personnelle.
C’est peut-être cette formation qui m’a incitée plus tard à ne pas être une chrétienne passive et inhibée. Et cet extrait de l’Epître de Jude vient me conforter aujourd’hui dans ce que je crois bon et juste. Ce n’est pas parce que la Miséricorde de Dieu est infinie que mon esprit de discernement est aboli. Aspirant dans une prière continue aux sept dons de l’Esprit Saint, je désire ardemment le don de sagesse et de conseil. Et je pense, honnêtement, sans donner dans la fausse humilité, que l’Esprit souverain exauce ma demande.
Ainsi, comme le préconise Jude dans cet extrait, je fais miennes ces recommandations :
Ceux qui sont hésitants, prenez-les en pitié ;
d’autres, sauvez-les en les arrachant au feu ; d’autres enfin, prenez-les aussi en pitié, mais avec crainte, en détestant jusqu’au vêtement souillé par leur chair.
Mon Dieu que cela est mal vu de nos jours ! De quoi osai-je me mêler ? Ne vivons-nous pas dans un monde, et en particulier dans une nation où toutes les croyances se valent, où la foi au Dieu Trinité doit se cantonner à la “sphère privée” et ne pas s’estimer plus véridique que la croyance en la force d’un arbre ou d’une énergie diffuse dans les airs ?
J’ai la foi chrétienne chevillée au cœur et au corps. Le doute m’a laminée quinze années dans ma jeunesse, mais n’a plus de prise sur moi désormais. Et je devrais laisser passivement, voire avec complicité ceux que je chéris s’enfoncer dans des croyances païennes ou pas de croyance du tout? Je devrais cacher à quel point ma foi m’est force et consolation, et pas seulement dans l’épreuve, mais dans chaque événement de ma vie ? Je devrais ne pas me soucier des perspectives d’éternité de mon prochain ?
Au quotidien, je ne pratique guère le prosélytisme, bien plutôt le témoignage inlassable par la mise en pratique de l’esprit des Béatitudes. Cela coûte, surtout quand vient la persécution. Reste la capacité de pardonner, et la prière d’intercession. Et parfois, quand mes amis vont vraiment trop loin dans le dénigrement de la foi chrétienne, l’affirmation de la mienne, même s’il doit m’en coûter en retour insultes et humiliations.