En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Nul ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent.
C’est pourquoi je vous dis : Ne vous souciez pas, pour votre vie, de ce que vous mangerez, ni, pour votre corps, de quoi vous le vêtirez. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que les vêtements ?
Regardez les oiseaux du ciel : ils ne font ni semailles ni moisson, ils n’amassent pas dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Vous-mêmes, ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux?
Qui d’entre vous, en se faisant du souci, peut ajouter une coudée à la longueur de sa vie ?
Et au sujet des vêtements, pourquoi se faire tant de souci ? Observez comment poussent les lis des champs : ils ne travaillent pas, ils ne filent pas.
Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’était pas habillé comme l’un d’entre eux.
Si Dieu donne un tel vêtement à l’herbe des champs, qui est là aujourd’hui, et qui demain sera jetée au feu, ne fera-t-il pas bien davantage pour vous, hommes de peu de foi ?
Ne vous faites donc pas tant de souci ; ne dites pas : “Qu’allons-nous manger ?” ou bien : “Qu’allons-nous boire ?” ou encore : “Avec quoi nous habiller ?”
Tout cela, les païens le recherchent. Mais votre Père céleste sait que vous en avez besoin.
Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît.
Ne vous faites pas de souci pour demain : demain aura souci de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine. »
Matthieu 6,24-34
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris
Je voudrais dire ici que cet extrait d’Evangile est des plus authentiques. J’en vis depuis des années, ne me retrouvant jamais dans l’indigence extrême, sans pour autant avoir de quoi “remplir mes greniers” ni même la velléité de le faire. Tiens, au fait, le grenier de ma maison est un espace inutilisé, s’il fallait encore un signe de ma confiance en la Parole du Seigneur.
Attention, je ne dis pas qu’il faille s’abandonner à la Providence sans se donner les moyens de subvenir aux besoins de sa famille ! Chacun sait que la vie pratique de maman solo, a fortiori quand trois enfants poursuivent des études, n’est pas de tout repos et dénuée de préoccupations bien matérielles. Hors la période de la toute petite enfance de mes trois bien-aimés, je n’ai jamais cessé de travailler. Et chacun sait, en France, qu’une institutrice est plutôt mal rémunérée eu égard à la grosse charge de travail et de responsabilités qu’elle a. Passons.
J’ai souvent été dans l’inquiétude aux moments charnières de ma vie. La construction d’une maison sans beaucoup d’apport personnel – mon mari et moi avions cette fierté de ne devoir nos quelques biens qu’à notre travail – le divorce et l’incertitude quant à ma capacité à continuer à financer seule cette maison, les études des enfants qui nécessitaient un appartement pour chacun d’eux dans trois villes différentes… Dans la prière, la confiance et le sens du compromis, je suis parvenue à ne jamais braquer mon ex-mari qui a assumé et assume encore avec conscience et générosité sa part de contribution au quotidien de nos enfants. Nous sommes parvenus à être ce “couple parental” qui désire mener sa progéniture au mieux de la capacité de chacun. Pour le reste, j’ai connu bien des jours d’angoisse à chaque fois que le rouge gagnait du terrain sur ma page de comptes bancaires.
Mais toujours, cet évangile m’est revenu à l’esprit, et aujourd’hui encore il tombe très bien et je m’y abandonne. Et je peux assurer que cela marche, et d’autant plus aisément si on renonce même à la “petite poire pour la soif” ! Cesser de se torturer l’esprit pour le frigo qui pourrait tomber en panne ou l’ordinateur prêt à lâcher. “Demain aura souci de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine.” Se redire encore et encore que la Parole du Christ est vérité. Le Seigneur, si l’on s’abandonne vraiment au quotidien à Lui, en toute confiance, donne une solution au moment où on ne s’y attendait même pas. A la seule condition que l’on cesse de remplir ses greniers, d’être obsédé par ses possessions matérielles, et surtout, surtout, à condition que l’on renonce à gérer son argent en placements “pour le cas où” , “pour que ça rapporte” , pour augmenter encore et encore son patrimoine… Vraiment, je le dis parce que je le vis et le vois autour de moi – je vis dans une région riche où les gens ont souvent beaucoup d’argent placé – celui qui thésaurise se détourne peu à peu du Seigneur, il s’aigrit, se durcit, parle d’argent plus que d’autre chose, en néglige la charité la plus élémentaire, ne voit plus ce qu’il possède, se croit démuni et imagine les autres dans l’opulence… C’est un cercle vicieux sans fin.
L’Evangile est vérité, La parole du Christ Jésus est vérité, et oui, je l’affirme, on ne peut servir à la fois Dieu et l’argent. Servir Dieu devrait être notre unique souci, car dès que nous nous trouvons au bord de l’indigence mais dans une foi totale et l’espérance en Sa justice, le voici qui se manifeste à nous et qui nous sert, un tablier autour des reins.
Image : Le lavement des pieds – Psautier d’Ingeburg de Danemark – Anonyme XIIIe s