Ainsi parle le Seigneur : Mon épouse infidèle, je vais la séduire, je vais l’entraîner jusqu’au désert, et je lui parlerai cœur à cœur.
Là, elle me répondra comme au temps de sa jeunesse, au jour où elle est sortie du pays d’Égypte.
En ce jour-là – oracle du Seigneur –, voici ce qui arrivera : Tu m’appelleras : « Mon époux » et non plus : « Mon Baal » (c’est-à-dire « mon maître »).
Je ferai de toi mon épouse pour toujours, je ferai de toi mon épouse dans la justice et le droit, dans la fidélité et la tendresse ;
je ferai de toi mon épouse dans la loyauté, et tu connaîtras le Seigneur.
Osée 2,16.17b-18.21-22
Textes liturgiques©AELF
Accueillir les textes bibliques, même ceux du Premier Testament, dans l’aujourd’hui de nos vies…
Le Livre d’Osée me bouleverse depuis de longues années. Je le trouve d’une beauté et d’une justesse saisissantes, en particulier cet extrait donné à la liturgie d’aujourd’hui.
Essayons de sortir de l’exégèse, de l’analyse historique du texte. Prenons-le vraiment comme la Parole de Dieu, qui n’est jamais obsolète. Prenons-le comme un message intemporel qui s’adresse aux croyants d’aujourd’hui, à ce chrétien que tu es peut-être, ami lecteur.
Personnellement, ce texte me parle au plus intime de mon cœur, de mon âme et de ma chair, et ce depuis une vingtaine d’années. J’en ai même choisi un extrait comme titre de l’un des chapitres de mon témoignage “Histoire d’une foi”.
Oh, je n’ai jamais été une épouse infidèle, je n’ai jamais été une femme vénale. Jamais. Mais infidèle à mon Seigneur, oui peut-être, pendant ces quinze années de doute qui ont miné mon passage à l’âge adulte. Infidèle peut-être à l’appel très fort qui reposait sur moi, depuis l’instant de mon baptême à quelques jours et sans doute même depuis l’instant de ma conception dans le sein d’une mère qui ne me désirait pas, épuisée déjà par trois grossesses antérieures en peu d’années de mariage. Oui, un appel reposait sur moi.
A 16 ans, je me suis interrogée sur la vie religieuse, mais à cet âge-là, ce n’était pas ma vocation. Ma chair hurlait vers la vie de femme et de mère.
L’Eglise catholique de mon baptême a du mal à comprendre mon cheminement, ma propre vocation. Il n’y a vraiment que mon accompagnatrice spirituelle pour m’accueillir avec un respect total et une grande compréhension. Elle seule est capable d’affirmer, tout en étant une religieuse apostolique très fidèle à ses propres vœux, que je suis profondément véridique, authentique et libre dans mon amour dévorant pour le Père et pour le Fils, dans l’Esprit.
Alors aujourd’hui, oui, je le crois et je l’affirme, je suis sûre que Dieu était à l’œuvre quand le futur père de mes enfants et moi, nous avons décidé de ne nous marier que civilement – scandale dans ma famille !
Je suis sûre que Dieu était à l’œuvre quand ce lien s’est rompu, quand, dans des souffrances extrêmes, j’ai été quittée, laissée seule avec trois enfants encore jeunes.
Je suis sûre que Dieu était à l’œuvre quand l’appel a ressurgi avec une force irrésistible dans ma vie, et que j’y ai répondu, dans une très grande liberté ecclésiale mais sous le sceau d’un sacrement de la Réconciliation, prononçant avec foi ce vœu de chasteté qui me comble jour après jour et que je renouvelle chaque année à la date anniversaire de la fête de Notre-Dame du Mont Carmel. Sept ans de cœur à cœur avec le Christ Jésus, avec le Père, et la certitude d’avoir répondu à l’appel exactement quand et comme Dieu l’a voulu pour moi.
C’est du Christ Jésus que je suis l’épouse oui, et bien plus fort que je n’ai été l’épouse du père de mes enfants. Ce lien-là est consacré, oui, même si je suis infiniment libre dans l’Eglise et que je ne suis pas sa servante au quotidien. Je ne suis même pas la servante de Dieu. Je ne l’appelle plus “Maître” mais Abba, et son Fils, mon Epoux véritable, dans une réciprocité qui autorise toutes le confidences de sa part et toute confiance de la mienne.
Image : Cantique des cantiques V Marc Chagall