C’est ton peuple, Seigneur, qu’ils piétinent,
et ton domaine qu’ils écrasent ;
ils massacrent la veuve et l’étranger,
ils assassinent l’orphelin.
Ils disent : « Le Seigneur ne voit pas,
le Dieu de Jacob ne sait pas ! »
Sachez-le, esprits vraiment stupides ;
insensés, comprendrez-vous un jour ?
Lui qui forma l’oreille, il n’entendrait pas ?
il a façonné l’œil, et il ne verrait pas ?
il a puni des peuples et ne châtierait plus,
lui qui donne aux hommes la connaissance ?
Le Seigneur ne délaisse pas son peuple,
il n’abandonne pas son domaine :
on jugera de nouveau selon la justice ;
tous les hommes droits applaudiront.
Ps 93 (94), 5-6, 7-8, 9-10, 14-15
Textes liturgiques©AELF
On pourrait dire que les Psaumes ne sont parfois qu’émanation humaine qui appelle Dieu à la vengeance. On pourrait. Et encore l’Eglise, dans la liturgie du jour, omet-elle des strophes plus vindicatives que celles-ci dans ce Psaume 93 (94). Mais s’il en était ainsi, pourquoi les Psaumes seraient-il si présents dans la prière de l’Eglise : prière des heures pour les religieux, liturgie quotidienne ?
Les Psaumes nous parlent, à nous humains, oui, mais ils parlent aussi à Dieu, ils parlent aussi de Dieu ! Et ce n’est pas parce que le Christ Jésus s’est montré puits de miséricorde qu’en Dieu, le versant justice est aboli ! Je n’apprécie pas les discours chrétiens qui tendent à considérer le Premier Testament comme caduc au profit du Nouveau. Notre foi doit être équilibrée sur la totalité des Ecritures.
Je lis parfois, ici ou là, que le Dieu de l’Ancien Testament est un Dieu jaloux et vengeur, et que Jésus et lui seul en aurait montré le vrai visage, doux et miséricordieux. Je vais encore remettre en question certaines doctrines catholiques. Pour moi, et je suis ferme dans ce que je dis – non pas par ignorance du dogme mais par connaissance intime de bien des mystères de la Trinité Sainte – le Christ Jésus n’est pas Dieu incarné à lui tout seul : du Dieu Trinité, il est la Deuxième Personne, et seulement la Deuxième Personne. Je crois que c’est un abus de langage de dire, à Noël, que “Dieu est descendu du Ciel”. Certes, le Verbe de Dieu préexistait à tout. Et il s’est incarné dans le sein de Marie, vierge, prenant de la substance de la chair de Marie et mystérieusement, procédant du Père. Il n’y a que l’homme mâle en tant que géniteur qui soit absent de cette conception. Mais Jésus Christ est bien le Fils de Marie, ce qu’il n’avait pas en chair humaine aux côtés du Père, il l’a tissé dans la matrice de Marie, comme tout fœtus humain. Marie a donné naissance à un nourrisson dont le sexe est par mystère masculin – ce n’est pas de sa mère qu’il tient cette masculinité, nous femmes ne savons donner qu’un chromosome sexuel “x”.
J’insiste donc encore sur le fait que notre Seigneur Jésus-Christ ne soit pas Dieu le Père incarné au milieu des hommes. C’est cet abus de langage qui rend incompréhensible et inacceptable notre foi chrétienne pour nos frères aînés juifs. De même qu’il n’y pas pas de peuple “déicide”. Le siècle de Jésus – et en particulier les autorités religieuses de son temps – ont fait mettre à mort le Fils de Dieu, et non l’Eternel de la Révélation biblique.
Et à présent, après sa Résurrection, le Fils de Dieu siège à Ses côtés dans sa Gloire, il n’a rien “enlevé ” au Père qui siège toujours, depuis les origines et pour l’Eternité, intègre et “entier”. Une femme, ayant mis au monde un enfant, a-t-elle perdu quelque chose de sa propre personne ? Non. Elle est toujours la même femme, avec la même chair et le même esprit, augmentés seulement de l’expérience de la maternité. Il me plaît de penser que pour le Dieu éternel, c’est la même chose. Dans le Nouveau Testament, Il est augmenté de l’expérience de la paternité, et on peut penser, oui, que ses entrailles en frémissent encore davantage pour l’humain qui se débat dans les difficultés du monde. De là peut-être sa très grande miséricorde, Il a éprouvé dans sa paternité ce que les hommes avaient été capables de faire à son propre Fils, et Il a été sensible à cette ultime parole de son enfant : “Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font”.
J’aime le Dieu du Premier Testament. Je suis proche de Lui dans la prière. Aucune confusion, dans mon oraison, entre le Père et le Fils. Je sais exactement quand j’entre en dialogue avec l’un, et quand je suis avec l’autre. Je ne leur confie pas les mêmes préoccupations, je ne leur parle pas avec les mêmes mots. L’un est comme mon Père, oui, l’autre comme mon Frère ou mon Epoux. Qui emploierait le même langage avec son père humain qu’avec son époux ? Ce sont deux Personnes distinctes, indiscutablement.
Et quand j’ai faim et soif de justice, je crie vers les deux, certes, mais j’en appelle surtout au Père et à ses promesses antiques mais éternelles.
Depuis 2000 ans, nous avons à disposition la Parole du Verbe dans les Evangiles. Que nul ne prétende ne pas en connaître l’existence. L’Evangile est partout pour peu qu’on le cherche un peu – même si je sais qu’en certaines contrées, il est grandement prohibé. Le vrai code du “vivre ensemble” est là et pas ailleurs. Si nous voulons être des humains comme Dieu nous veut, vivons selon les commandements de l’Evangile, et nous deviendrons saints.
Et quant au mal et au péché, le Christ Jésus les porte pour nous dans ses plaies depuis 2000 ans aussi. Mais pas pour que nous péchions et péchions encore, dans une grande désinvolture !
Viendra un jour la justice de Dieu, après ce très long temps de miséricorde qui nous a été accordé. Et ce sera son Fils qui “jugera les vivants et les morts”, oui , Lui-même ! Selon sa Parole. Pour ouvrir le Royaume où le mal n’entrera plus.
Et moi, je crois que ce temps-là est tout proche. L’iniquité du monde et des hommes n’a que trop duré. La miséricorde est là, à notre portée, mais beaucoup la dédaignent. C’est le temps de la justice qu’il faut espérer désormais.
“On jugera de nouveau selon la justice ;
tous les hommes droits applaudiront. ”