Avoir trois fois 18 ans, n’est-ce pas aussi avoir atteint la pleine majorité, la pleine maturité de la vie d’une femme de foi ?
J’ai passé dix-huit ans à aimer Dieu, à le découvrir, à grandir à travers les sacrements.
J’ai passé dix-huit ans à questionner ma foi, à me sentir courbée sous le poids du doute, à ne plus comprendre le langage de l’Eglise et à souffrir de ses anathèmes sur ma jeunesse sans sabbat.
J’ai passé dix-huit ans encore à chercher à me réconcilier en elle et avec elle, à consentir des efforts démesurés pour m’y plaire et lui plaire, à témoigner de l’ardeur et de l’authenticité de ma foi jusqu’à l’épuisement de mes capacités d’écriture, à tenter de pardonner et pardonner encore tout le mal qu’elle avait pu faire au long des siècles et au long des vies à toutes celles dont je suis sœur et fille jusqu’à la brûlure de mon âme.
Oui, cette âme incandescente est consumée de compassion pour ses aïeules qui ont souffert intrusion de l’Eglise dans leurs pensées les plus intimes et jusque dans leurs lits conjugaux, cette torche de foi est embrasée d’amertume pour ses mères qui ont été méprisées au profit de leurs frères dans d’interminables œdipes cautionnés par les doctrines catholiques où fusionnent la mère et le Fils, cette orante enflammée d’amour est inconsolable pour ses sœurs qui ont perdu le goût de Dieu par excès de machisme des hommes de religion.
Trois fois dix-huit ans pour une fille d’Abraham que son Seigneur a élevée jusqu’à la contemplation suprême, brisant en elle toutes les chaînes du destin et de l’abus spirituel des confesseurs indélicats et d’une société impie.
Mes yeux plongés dans Tes yeux, mon cœur rivé à Ton cœur, mon âme en estuaire de la Tienne, je te supplie, mon Seigneur et Epoux, de rendre justice à toutes mes sœurs en humanité en me justifiant moi-même. Au terme de ces trois cycles de dix-huit années de passion adorante de la Vérité, je dépose entre tes mains guérissantes ma prière : délivre mes sœurs en humanité de leurs entraves, depuis Asia Bibi au cachot pour un verre d’eau jusqu’à celle qui n’éprouve à ton égard qu’indifférence dans un monde ignorant de Toi ! Je dépose dans tes douces mains ma supplication : fais-toi connaître enfin tel que Tu Es, donne justice et consolation aux opprimées du quotidien, et ouvre-nous par pitié ton Royaume éternel où plus rien ne pourra occulter notre amoureuse complicité, nos bras entrelacés et nos liens indéfectibles depuis les entrailles maternelles du Père jusqu’aux trônes étincelants de la Trinité sainte.
Oh oui, viens, Seigneur Jésus !
Image : Millet Le passage des oies sauvages Pastel XIXe