En ces jours-là, Paul dit au peuple : « Je suis Juif, né à Tarse en Cilicie, mais élevé ici dans cette ville, où, à l’école de Gamaliel, j’ai reçu une éducation strictement conforme à la Loi de nos pères ; j’avais pour Dieu une ardeur jalouse, comme vous tous aujourd’hui.
J’ai persécuté à mort ceux qui suivent le Chemin du Seigneur Jésus ; j’arrêtais hommes et femmes, et les jetais en prison ;
le grand prêtre et tout le collège des Anciens peuvent en témoigner. Ces derniers m’avaient donné des lettres pour nos frères de Damas où je me rendais : je devais ramener à Jérusalem, ceux de là-bas, enchaînés, pour qu’ils subissent leur châtiment.
Donc, comme j’étais en route et que j’approchais de Damas, soudain vers midi, une grande lumière venant du ciel m’enveloppa de sa clarté.
Je tombai sur le sol, et j’entendis une voix me dire : “Saul, Saul, pourquoi me persécuter ?”
Et moi je répondis : “Qui es-tu, Seigneur ? – Je suis Jésus le Nazaréen, celui que tu persécutes.”
Ceux qui étaient avec moi virent la lumière, mais n’entendirent pas la voix de celui qui me parlait.
Alors je dis : “Que dois-je faire, Seigneur ?” Le Seigneur me répondit : “Relève-toi, va jusqu’à Damas ; et là on te dira tout ce qu’il t’est prescrit de faire.”
Comme je n’y voyais plus rien, à cause de l’éclat de cette lumière, je me rendis à Damas, conduit par la main de mes compagnons.
Or, Ananie, un homme religieux selon la Loi, à qui tous les Juifs résidant là rendaient un bon témoignage,
vint se placer près de moi et me dit : “Saul, mon frère, retrouve la vue.” Et moi, au même instant, je retrouvai la vue, et je le vis.
Il me dit encore : “Le Dieu de nos pères t’a destiné à connaître sa volonté, à voir celui qui est le Juste et à entendre la voix qui sort de sa bouche.
Car tu seras pour lui, devant tous les hommes, le témoin de ce que tu as vu et entendu.
Et maintenant, pourquoi tarder ? Lève-toi et reçois le baptême, sois lavé de tes péchés en invoquant son nom.” »
Actes des Apôtres 22,3-16
Textes liturgiques©AELF
Il est bon de relire et de méditer ces lignes en ce jour où nous fêtons la conversion de l’apôtre Paul. On ne soulignera jamais assez que lui, qui était un ennemi éminent des tout premiers chrétiens, a été retourné comme un gant par le Seigneur et est devenu le plus ardent évangélisateur du premier siècle du christianisme. Nous qui étions en germe en terre païenne dans ce siècle-là, que ne devons-nous pas à l’apôtre Paul !
Et pourtant, vingt siècles plus tard, je trouve personnellement que les églises chrétiennes se sont progressivement sclérosées autour de sa parole et de sa mémoire, comme si on ne pouvait plus rien ajouter ni retrancher à ce que Paul a dit et fait. C’est ainsi que l’Eglise catholique conçoit encore et toujours comme indiscutable un gouvernement ecclésial exclusivement masculin, que les églises évangéliques se retranchent derrière les propos de Paul pour tout ce qui concerne la place des femmes dans le couple et la famille, et que les églises protestantes demeurent souvent crispées sur la lettre comme si les faits et propos de Paul, inscrits dans la Bible, étaient désormais intouchables.
Je revendique, au milieu de toutes ces postures, une certaine liberté de pensée et de ton. Paul demeure pour moi un humain faillible et qui a failli, notamment pour tout ce qui concerne le regard et le discours sur les femmes, domaine dans lequel le Christ Jésus a été infiniment plus audacieux et juste que lui. Retournant à l’Evangile, on y trouvera toujours un positionnement beaucoup plus ambitieux et équitable quant à la place des femmes en tous domaines. Et ainsi, j’insiste pour dire qu’on ne peut pas imputer à Jésus les reculades de statut des femmes que l’on a pu observer à travers les siècles dans le christianisme, qui sont toujours le fait de décisions d’hommes mâles marqués par leur péché masculin et en cela si différents du Fils de Dieu !
Alors aujourd’hui, en fêtant la conversion de Paul, souvenons-nous que l’Eglise n’aura jamais fini de se convertir. Elle est actuellement laminée par les révélations de ses immenses déviances. Si elle se remet enfin en cause dans son fonctionnement interne, qu’elle interroge aussi les textes qui, dans le Nouveau Testament, l’ont insidieusement conduite jusqu’à de telles exactions, notamment en se retranchant du regard et de l’arbitrage de femmes qui auraient pu y faire barrage.
Image : La lapidation d’Etienne Enluminure du bréviaire de Martin d’Aragon XVe