Tu m’as donné pour gloire souffrir l’abaissement,
Le lot de mon partage, c’est Ton humiliation.
Qui Te cherche Te trouve, là, tout en bas de soi,
De sa vie Tu disposes et l’élèves jusqu’à Toi.
Là, blancs sont les murs et noires sont les pensées,
Les masques se déposent, pas une seule âme fardée.
Eux, ils veillent, tout de blanc revêtus,
Distribuent le sommeil, écoutent les mots tus.
A la soif de justice, ils ont pour tout remède
Entendre la complainte, étancher l’intermède,
Petits bonbons blancs, rouges ou bleus,
Pour oublier qu’au fond, on n’est pas vraiment deux.
Lui, ici, l’hiver, c’est bien chauffé,
Mais c’est quand même dehors qu’il préfère exister.
Elle, tout ce qu’elle entend, elle l’a vécu aussi,
C’est par procuration qu’elle aime et qu’elle sourit.
Lui, subtile intelligence, ailleurs dans sa présence,
Ses yeux voyaient si mal, l’école l’a oublié.
Elle, une fontaine de larmes même pas cachées,
Elle aimait bien la foi qu’on lui a confisquée.
Lui, il ne sort qu’au bruit de son geôlier,
Seize ans à peine, et plus de liberté.
Elle, elle n’a plus faim de son pain de ce jour,
Manger ce serait vivre, à quoi bon sans amour ?
Lui, il ne dit jamais rien,
Mais pour croiser les mots, ça toujours il veut bien.
Elle, le verbe agonise en son cœur,
Du corps il a tout pris, le grand profanateur.
Lui, un concentré de muscles et de violence,
Une injection, et le silence.
Elle, café au lait ou café noir,
Elle ne sait plus choisir, elle n’a plus de vouloir.
Lui, regard éteint et radio allumée,
Il a peur de la mort montrée à la télé.
Elle, c’est la pudeur qui retient la souffrance,
Sa fille avait sept ans, la douleur est immense.
Lui, il porte le prénom de Ta pâque
La seringue c’est fini,
Bientôt il sort d’ici,
Il parle et il sourit,
Félicité, il rit,
Ses cheveux sont coupés,
Le passé, oublié,
Il renaît aujourd’hui.
Je les ai vus là-bas, les pauvres de Yahvé,
Pas un seul de ces cœurs qui puisse T’échapper.
Véronique Belen, mars 2001
2 commentaires
Merci Véronique pour ce merveilleux poème “les internés”, qui raisonne aujourd’hui en moi, dans le calme de cette nuit.
Gaël, ancien “interné” aujourd’hui libéré
Merci Gaël pour votre aimable commentaire.
Il y a complicité et compréhension réciproque entre personnes ayant connu cette grande épreuve. Touchée si mon poème a pu vous rejoindre…